Aout 2012 – Ce qu’il faut savoir sur le projet de centrale éolienne en baie de Saint-Brieuc – conclusion

Conclusion générale

Un objectif européen réaliste ?

Le projet d’implantation de 100 éoliennes en baie de Saint-Brieuc, fortement soutenu par le conseil régional et le conseil général, s’inscrit dans le cadre du Grenelle de l’environnement, lui même soumis aux objectifs européens de développement des énergies renouvelables. Une Europe vertueuse, créatrice de normes et d’objectifs, oublieuse, souvent, des réalités industrielles et économiques internationales et locales. Si les intentions ne sont pas critiquables, elles posent au moins 3 questions majeures:

– L’efficacité énergétique de l’éolien,

– Les coûts induits imposés à l’économie des pays de l’Union Européenne et leurs implications.

– L’évaluation de l’impact de la politique européenne et des efforts consentis sur la santé de la Planète (alors que le reste du Monde, soit 6,5 Milliards d’individus, garde comme principal souci le développement économique.). Comment l’Europe peut-elle influer sur la politique des autres acteurs mondiaux et leur imposer un minimum de normes environnementales ?

Enfin, les objectifs européens ont été fixés par touches successives entre 2001 et 2007 dans une situation économique qui a, malheureusement, beaucoup changé. On peut se demander si les Etats ont encore et auront les moyens de les mettre en œuvre.

Un choix énergétique efficace ?

Alors que la consommation électrique a été moindre en 2011 du fait des conditions climatiques, RTE annonce dans son rapport 2011 : « Le solde exportateur français des échanges (d’énergie électrique) a quasiment doublé par rapport à 2009 et 2010. …Le niveau atteint reflète une meilleure disponibilité de l’offre de production nucléaire en France et la compétitivité de l’électricité produite en France par rapport à celle des pays voisins. … ».

Nous avons presque doublé nos exportations (Allemagne, Suisse, Espagne, Italie, Grande Bretagne) que ce soit dans le cadre des accords contractuels d’import/export que nous avons avec les pays Européens (+ 89%) ou dans le cadre des échanges quotidiens (infra-journaliers) à la demande (le volume des transactions infra-journalières augmente de 42 %). Les pays éoliens et en particulier l’Allemagne compteraient-il sur le nucléaire français ? La directive européenne prévoit 23% de notre consommation électrique par ENR mais quid de notre production… !!

Bien que la CEE ne préconise pas l’éolien en particulier mais les ENR en général, l’éolien est retenu car il présente la particularité, par rapport à ses consœurs, d’être défendu par une industrie puissante et organisée et de bénéficier d’une bonne image auprès de l’opinion publique : l’éolien « parle » mieux que la biomasse.

Malheureusement l’éolien à la différence des autres (sauf le solaire dans une moindre mesure) pâtit d’un énorme défaut : l’intermittence non planifiable.

A l’arrivée, lorsque les mesures du Grenelle de l’environnement auront été mises en œuvre, plus de 11.000 nouvelles éoliennes à terre et en mer auront été plantées dans le paysage français pour obtenir l’équivalent (dans l’absolu) de 9 % de la production électrique nationale. Des centrales thermiques (gaz et/ou charbon) auront été construites, à capacité à peu près égale (soit un double investissement) pour réguler les sautes d’humeur du vent et/ou son sommeil.

Un bon choix d’implantation géographique ?

De Calais à Saint Nazaire, les 5 zones d’éolien offshore déjà définies sont situées dans un espace soumis à peu près aux mêmes conditions météorologiques. Nous avons vu que le vent souffle d’une façon étrangement proche dans toute l’Europe, c’est évidemment encore plus vrai dans un périmètre restreint : quand il n’y a pas de vent à Calais, il n’y en a pas beaucoup plus à Saint-Nazaire (en tout cas pas d’une façon significative). De l’autre côté de la Manche, les installations anglaises, soumises aux mêmes conditions, mettent l’interconnexion des productions éoliennes à mal. Seul recours : la production thermique.

Outre les questions de pertinence de la réglementation européenne, du choix national de l’éolien, de son efficacité et de son coût, celle de l’impact écologique régional au sens large est essentielle.

L’éolien offshore ceinture, peu à peu, la Manche. Y installer 500, 1000, 1500 éoliennes ou plus, sans avoir le recul nécessaire pour mesurer les impacts demeure un pari dangereux, une menace à terme pour l’équilibre de ce bras de mer, sans même considérer les problèmes liés à la navigation et à la vie locale.

Le choix d’implantation des préfets, dont la baie de Saint Brieuc, choix que nous critiquons, a été conduit par des préoccupations de convenances techniques : profondeurs des fonds (pour les fondations des éoliennes), distance à la côte (pour les raccordements) … Aucune étude d’impacts préalable, aucune consultation du public, aucune interrogations sur les conséquences locales ne sont intervenues.

L’indépendance énergétique de la Bretagne ?

L’argument, souvent mis en avant, de l’indépendance énergétique de la Bretagne, est un leurre. Il est l’exemple type de la désinformation et du faux argument (voir §II.3.3 Page 15). Par nature, les réseaux électriques sont interconnectés : impossible de retenir l’électricité produite localement; l’utilisateur consomme ce qui est disponible. Que l’alimentation en électricité de la Bretagne soit déficiente, cela a été montré, mais en aucun cas le fait de produire sur place ne remplacera l’installation d’un réseau d’alimentation adapté aux besoins.

Une chance pour les côtes d’Armor et la baie de Saint-Brieuc ?

Le résumé du projet en baie de Saint-Brieuc, développé dans ce document, est le suivant :

– Installation, durant 5 ans de 100 éoliennes de 170 mètres de hauteur sur 80km2, impliquant la modification des écosystèmes et la destruction des zones de frayères. Une implantation entre deux espaces Natura 2000 choisis pour leur richesse et que l’on ne peut, d’un point de vue écologique, dissocier.

– Menace pour les activités majeures de la baie : pêche, tourisme, plaisance, sans contrepartie de création d’emplois.

– Remise en cause des investissements réalisés depuis 20 ans pour aménager (ports, routes, campings) et préserver le littoral.

– Destruction du patrimoine culturel (et du patrimoine naturel) qui constitue notre identité et notre principal atout.

Peut-on parler d’une chance quand il s’agit d’une amputation ? A qui profite ce projet ? Aux habitants riverains ? Aux activités locales ? Ils ont plus à perdre qu’à gagner

Alors ! Que préconisez-vous, allez-vous nous demander ?

Première réflexion : l’éolien restera de par sa nature une source d’énergie marginale et sa présence (ou son absence) ne règle pas, loin s’en faut, les problèmes posés par les enjeux énergétiques et le réchauffement de la Planète. Ne nous trompons pas de débat.

Deuxième réflexion : nous avons vu que le médicament n’est pas efficace. Ce n’est pas parce que le remède contre la maladie n’a pas encore été mis au point qu’il faut imposer, à grands frais et à l’ensemble de la population française, d’ingurgiter une posologie inadaptée, aux effets indésirables manifestes, et dont on ne connaît pas les conséquences à terme.

Un effet placebo ? Il y a là sans conteste un élément de réflexion pour tous.

« Une erreur ne devient pas une vérité, parce que tout le monde y croit »a écrit Raymond Aron. Concernant la croyance, et la volonté de vouloir croire ou faire croire, un petit exemple parmi d’autres : RTE annonce dans son rapport 2011 : « Pour la première fois cette année, la production éolienne a couvert plus de 10 % de la consommation française». Bigre ! Regardons de plus près : « Elle a atteint 10% le dimanche 17 juillet 2011 pendant 1h30 aux alentours de 15h30.» Sic !!! La méthode Coué. L’histoire ne dit pas d’ailleurs si cette énergie a été utilisée.

Dans la technologie actuelle, l’éolien, même associé à d’autres ENR dans un « mix-énergétique », ne peut remplacer le gaz et le charbon et ne supprimera pas le nucléaire en tout cas en France (a fortiori si le reste de l’Europe en a besoin) mais il va par contre participer à ralentir sa sécurisation faute de moyens financiers.

Un peu de bon sens dicterait d’investir dans des ressources fiables, c’est-à-dire dont le flux est régulier ou en tout cas prévisible, voir « régulable ». Il s’agit entre autres des courants marins, de la géothermie, mais aussi de la biomasse et à la marge, car déjà exploitée, de l’énergie hydraulique … Il y a aussi le stockage de l’électricité, problème majeur non résolu. En exemple d’une technologie récente, les hydroliennes basées sur la force des courants. Elles ont été récemment testées au large de Bréhat ; les premiers résultats semblent prometteurs et nous bénéficions d’une certaine avance technologique.

L’argent dépensé dans l’éolien ne profitera pas à la recherche et au développement de ces filières plus efficaces et profitables d’une façon générale et plus particulièrement à l’industrie française et donc à l’emploi.

Autre voie de bon sens, du reste préconisée par l’Union Européenne, le Grenelle de l’environnement et le pacte énergétique breton : la réduction de la consommation par la chasse au gaspillage. Concernant l’électricité : pertes d’énergie sur les réseaux (de l’ordre de 2,5%), consommations non justifiées, notamment par l’éclairage en milieu urbain, mauvaise isolation de l’habitat et des équipements. Ne peut-on développer des programmes d’aide aux économies efficaces ? Le programme actuel d’aide aux économies d’énergie dans le bâtiment ne l’est pas car financièrement peu incitatif, alors qu’il est l’un des principaux réservoirs d’emplois véritablement locaux.

Il n’y a pas que l’électricité (l’électricité ne représente que 24% de notre consommation énergétique), les aides à l’industrie automobile ne peuvent elles être liées à la production/vente de voitures peu consommatrices ?

Revenons à la Baie de Saint-Brieuc, sujet qui nous préoccupe plus particulièrement.

Imaginons ce que devrait être ce littoral dans les 20 à 30 ans à venir et comment exploiter au mieux ses atouts.

Doit- il devenir une zone industrielle ? Peut-il demeurer, tout en évoluant, un espace préservé dont on peut exploiter les ressources ? Quel est au final le schéma le plus porteur, le mieux adapté à ceux qui y résident ?

Cette réflexion globale menée, essayons de l’appliquer (ou la faire appliquer) sans être ballotés par des décisions souvent prises au gré du vent …

Il nous suffit d’un peu d’imagination et de volonté. Les bretons n’en manquent pas.

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