La Mer en débat : urgence d’un moratoire sur l’éolien en mer

Devant la planification inacceptable de l’éolien en mer envisagée par l’Etat pour la décennie à venir, rappelons la feuille de route de Gardez les Caps.

1.La résilience des écosystèmes marins a des limites, l’état écologique actuel des mers du Nord et de la Baltique en apporte la preuve accablante. Les impacts individuels et cumulatifs des parcs éoliens en mer sont toujours mal connus. Ils doivent être étudiés de manière sérieuse par les organismes scientifiques et non par des cabinets d’étude diligentés par les industriels éoliens.

2.La législation environnementale doit être respectée, en particulier les directives « Oiseaux » et « Habitats », la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », ainsi que la loi de 2016 sur l’absence nette de perte de biodiversité, sachant que la compensation en milieu marin est quasiment impossible notamment pour les oiseaux. Le principe de précaution doit être appliqué. « Do not significant harm. »

A titre de contre-exemple, le projet éolien d’IBERDROLA en baie de Saint-Brieuc a obtenu de l’État français des dérogations pour la destruction d’habitats et d’espèces protégées pour 56 oiseaux et 5 espèces de mammifères marins. Les études d’impact ont discrètement « oublié » la présence des Pipistrelles de Nathusius, elles n’ont pas « vu » non plus les spectaculaires coraux d’eau froide. La zone Natura 2000 s’arrête à 450m du projet.

3.Le choix des sites d’implantation doit se faire en fonction des caractéristiques environnementales des écosystèmes marins et des caractéristiques économiques des communautés littorales. Cela signifie que les zones Natura 2000, les aires marines protégées, les zones de pêche artisanale, les frayères, les nourriceries, les couloirs de migration, doivent être préservés de toute implantation éolienne.

En France, TOUS les projets d’éolien en mer déjà attribués et en travaux, ont été envisagés sans véritable concertation ni études d’impact, au plus près des côtes, au cœur de riches zones de pêche côtière, gérées de manière responsable depuis des dizaine d’années, avec des stocks en bon état. Il en résulte de graves conflits d’usage qui ne seront jamais résolus.

Conservons l’exemple du projet d’IBERDROLA en baie de Saint-Brieuc. Ce projet quasiment achevé, est aussi contesté depuis 12 ans parce qu’il expulse arbitrairement et avec brutalité les acteurs économiques en place, soient 300 bateaux, 800 marins, plus de 2500 emplois à terre, et ruine ainsi les efforts de plusieurs décennies passées à mettre en place une pêche responsable respectueuse de la ressource, une ressource à forte valeur ajoutée : coquilles Saint-Jacques, turbots, homards, etc.

4.Dans un espace maritime européen quasiment saturé, fortement anthropisé, morcelé, l’éolien en mer ne pourrait se développer « massivement » qu’en préemptant et privatisant pour son usage exclusif un domaine maritime, bien commun aujourd’hui partagé, au détriment de la biodiversité marine qu’il détruit durablement, et de la petite pêche côtière. La pêche artisanale côtière est une pêche gérée vertueusement, respectueuse des écosystèmes marins, qui a permis de préserver le patrimoine de la bande côtière vivant.

5.Enfin, en France, l’éolien en mer ne contribuera pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre, ni à lutter contre le réchauffement climatique, puisque la production électrique française est déjà décarbonnée. Conformément au règlement de l’Union européenne, mieux vaudrait accorder la priorité à l’efficacité énergétique (le bâti, les transports), et non à la capacité en renouvelables électriques, sans objet urgent en France.

Gardez les Caps souhaite qu’il soit acté que toute stratégie relative aux énergies marines renouvelables doit être établie en fonction des garanties nécessaires à la préservation de la biodiversité et des activités de pêche durable.

Gardez les Caps préconise un moratoire sur les projets d’éolien en mer en préparation en attendant que soient appliqués des critères objectifs de sélection des sites propices comme le propose le Conseil national de protection de la nature (CNPN) dans son avis rendu le 6 juillet 2021, ainsi que les recommandations de la Cour des comptes européenne dans son rapport adopté le 5 juillet 2023, « EMR dans l’UE, des plans de croissance ambitieux, mais une durabilité difficile à garantir ».

« (111) Jusqu’à présent, les implications socio-économiques du développement des énergies marines renouvelables n’ont pas fait l’objet d’études suffisamment approfondies. (…) Il convient de mieux cerner les possibles conséquences négatives du développement des énergies marines renouvelables sur le secteur de la pêche et d’apporter des solutions (points 82 à 86). »

« (113) La croissance prévue des énergies marines renouvelables pose problème sur le plan de la durabilité́ environnementale. Lorsqu’elle a proposé la stratégie de l’Union sur les énergies marines renouvelables, la Commission n’a pas estimé les effets potentiels sur l’environnement.

Nous avons constaté que de nombreux aspects environnementaux liés au déploiement prévu des énergies marines renouvelables demandent encore à être mieux cernés. Nous estimons que, compte tenu des activités humaines en mer et de l’ampleur du déploiement des énergies marines renouvelables prévu pour ces prochaines années, qui porterait la capacité installée actuelle de 16 GW à 61 GW en 2030 et au-delà, l’empreinte environnementale sur la vie marine pourrait être considérable et n’a pas été suffisamment prise en compte (points 91 à 101). »

Cour des Comptes Commission européenne