Observations Enquête publique Erquy-RTE Chemin des Moineries

L’enquête publique  « en vue de l’établissement des servitudes légales pour le chemin des Moineries sur la commune d’Erquy pour la création d’une liaison électrique à deux circuits à 225.000 volts sous-marine et souterraine dans le cadre du raccordement du parc éolien en mer de la baie de Saint-Brieuc »  se termine lundi 4 octobre à 16h30.

La commissaire enquêtrice sera présente à la mairie d’Erquy ce lundi de 13h30 à 16H 30.

Les observations peuvent être déposées à la mairie d’Erquy ou adressées directement soit à l’adresse urbanisme@erquy.bzh soit à la préfecture dlm-enquete@cotes-darmor.gouv.fr

Voici nos observations.
TÉLÉCHARGER le fichier PDF : GardezlesCaps 3octobre2021

Madame la Commissaire Enquêtrice,

L’association Gardez les caps, reconnue d’utilité publique et agréée au titre de la protection de l’environnement, tient à vous faire connaître son opposition résolue à l’utilisation du chemin rural des Moineries à Erquy pour y faire passer deux câbles de 225.000 volts afin de raccorder au poste RTE de La Doberie, la centrale électrique éolienne qu’Iberdrola-Ailes Marines tente d’implanter dans la Baie de Saint-Brieuc.

L’association Gardez les Caps demande depuis plus de 9 ans que soit abandonné ce projet mal zoné sans études d’impact préalables au choix du site, irrégulier dans son attribution comme dans son autorisation d’exploiter une centrale électrique en baie de Saint-Brieuc délivrée dès avril 2012 sans débat public (2013), sans enquête publique (2016), sans déclaration de l’aide d’État (2017),  un projet porté par un opérateur douteux pour lequel, le Parquet National Financier a ouvert une enquête préliminaire du chef de recel du délit d’atteinte à l’égalité des candidats dans les marchés publics, également appelé « recel de favoritisme », concernant les conditions de l’octroi de la concession d’exploitation au groupe espagnol Iberdrola. (https://www.mediapart.fr/journal/france/021021/la-justice-ouvre-une-enquete-sur-les-eoliennes-de-la-baie-de-saint-brieuc)

Devant un tel projet qui présente tous les ingrédients d’un scandale politico-financier, on ne peut que s’étonner de la signature par Ségolène Royale le 28 mars 2017, d’un arrêté (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2017/3/28/DEVR1709832A/jo/texte) portant déclaration d’utilité publique, pour créer une liaison électrique de deux câbles de 225.000 volts entre la station électrique en mer appartenant à Ailes Marines-Iberdrola, et le transformateur de la Doberie à Hénansal appartenant à RTE, avant même que soient délivrés par le Préfet des Côtes-d’Armor les arrêtés permettant à Ailes Marines-Iberdrola d’implanter une usine électrique dans la baie de Saint-Brieuc. Ces arrêtés seront publiés le 18 avril 2017, à 5 jours de l’élection présidentielle, et le jour même, le Préfet des Côtes d’Armor approuvera l’octroi d’une concession privative du Domaine Public Maritime à Ailes Marines-Iberdrola pendant 40 ans sans la signature réglementaire du Préfet maritime alors que 103 km2 du domaine public maritime sont engagés pour une durée de 40 ans ! (http://www.cotes-darmor.gouv.fr/Publications/Recueil-des-Actes-Administratifs-RAA/AVRIL-2017)

On ne peut que s’étonner également de l’empressement de RTE à réaliser le raccordement d’un parc éolien dont la réalisation est toujours hypothétique compte-tenu, d’une part des nombreux recours et plaintes actifs contre ce projet devant les juridictions françaises et européennes (Comité des Pêches des Côtes d’Armor, Collectif Pêcheurs Artisans, Gardez les Caps, Sea Shepherd), d’autre part, de l’impréparation industrielle flagrante d’Ailes Marines-Iberdrola qui n’a manifestement pas la maîtrise du chantier, lequel relève à ce jour davantage d’une expérimentation grandeur nature que d’une construction.

Commencé le 3 mai 2021, le déroulement du chantier en mer confirme que la faisabilité du projet n’a jamais été établie sérieusement par Ailes Marines-Iberdrola, tant est avéré le décalage entre le calendrier des travaux annoncé aux services de l’État par l’entreprise le 19 mars dernier lors de la réunion de la Commission nautique locale, et les réalisations minimales et dévastatrices obtenues après cinq mois de travaux dans la baie.

Après neuf changements de zones et cinq mois de forages sans aspiration des sédiments secs extraits, sans rideaux de bulles pour protéger la faune marine, Ailes Marines-Iberdrola n’a réussi qu’un seul ancrage de fondation (trois forages de 25 mètres) mais a pollué par trois fois la baie à l’huile hydraulique, transformé les fonds marins benthiques en gruyère, et défoncé les habitats rocheux à homards, gorgones et coraux du nord de la concession. Aucun des engagements de chantier annoncés n’a été respecté jusqu’à aujourd’hui. Au rythme actuel d’un unique ancrage réalisé en cinq mois, il faudra toutes choses égales par ailleurs, 61 fois 5 mois, c’est à dire 305 mois pour compléter l’ensemble des forages nécessaires, soit plus de vingt-cinq ans !

Depuis 2012, Ailes Marines-Iberdrola explique étudier les fonds marins de la baie de Saint-Brieuc, mais son directeur, Emmanuel Rollin déclare au Télégramme le 8 juin 2021 qu’« Il s’agit du parc éolien offshore le plus complexe au monde à installer. (…) Il y a des roches qui sont jusqu’à vingt fois plus dures que le béton qui est sous la tour Eiffel. Il y a un sous-sol très hétérogène, avec un mélange de sédiments, de roches très dures, et des remontées de laves. (…) Les courants marins nous posent aussi des difficultés. Il y a parfois des courants supérieurs à 1,5 mètre par seconde. (…) Nous sommes dans un endroit où ce marnage est l’un des plus importants au monde puisque nous avons plus de douze mètres entre la basse mer et la pleine mer. Cela varie tout au long de la journée donc ça complexifie les travaux. » (https://www.letelegramme.fr/economie/eoliennes-un-chantier-hors-norme-en-baie-de-saint-brieuc-08-06-2021-12765049.php)

Autant de caractéristiques connues de tous et de longue date -dès le néolithique, cf. les haches polies en dolérite de Plussulien ! Le nord de la concession d’Ailes Marines-Iberdrola se situe dans le prolongement du gneiss du Trégor, des roches très dures âgées de 2 milliards d’années, quant au reste de la concession, il est traversé comme la baie de Saint-Brieuc, et comme tout le département des Côtes d’Armor, de multiples filons de dolérite, une roche volcanique de 600 millions d’années également particulièrement dure.

On ne peut qu’être inquiet devant un tel manque d’anticipation des risques, on comprend d’autant moins la précipitation de RTE à vouloir réaliser le raccordement, et les documents mis à disposition du public par RTE dans cette nouvelle enquête sont loin de nous rassurer.

Le plan parcellaire du cadastre présenté par RTE ne correspond pas au cadastre officiel comme le montrent les trois documents qui suivent.

  • Le bâtiment de stabulation de vaches laitières BIO de l’exploitation de Saint-Querreuc n’y figure pas.
  • Le chemin des Moineries a été « reconstitué », le faisant apparaître comme communal, alors que le parcellaire cadastral indique clairement qu’il est privé, le chemin n’existe pas sur le cadastre.

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Cadastre officiel

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Capture d’écran Google

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Capture d’écran de la carte intitulée « Synthèse des contraintes de la liaison souterraine » fournie par RTE dans l’enquête publique de 2016.

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De plus, l’exploitation de Saint-Querreuc se trouve en zone humide partiellement drainée.

Il ne sera pas indifférent d’enfouir 225.000 volts dans le sol, a fortiori quand il y a de l’eau, qui va nécessiter un gainage supplémentaire. RTE a-t-il prévu d’apporter la preuve que le gainage réalisé est suffisant, qu’il n’y a pas d’interférences avec les équipements électriques et électroniques de l’exploitation de Saint-Querreuc, avec une vérification par un expert, le bureau Véritas par exemple ?

Si la mise en souterrain d’une ligne annule le champ électrique par la simple configuration technique des câbles et le type de pose, il n’en est pas de même pour le champ magnétique qui persiste même s’il est atténué et plus concentré dans l’espace. Or les champs magnétiques EBF sont classés comme un cancérogène possible par l’OMS. En ce qui concerne les leucémies aigües de l’enfant, le lien avec des champs magnétiques d’extrêmement basses fréquences de 0,4 uT a conduit le CIRC à les classer en catégorie 2B, c’est-à-dire de cancérogène possible. Ce classement a été établi en 2002 sur la base de l’épidémiologie. (https://www.senat.fr/rap/r09-506/r09-506_mono.html#toc113)

Le chemin des Moineries traverse l’exploitation de Saint-Querreuc, la coupant en deux. RTE s’est opposé à la décision d’expertise sanitaire des vaches laitières obtenue par l’exploitant de Saint-Querreuc en temps qu’intervenant volontaire avec les riverains des câbles à 225.000 volts depuis Caroual. RTE devra probablement s’y soumettre mais a fait appel !

Par ailleurs, si le chantier venait à se réaliser, la progression des travaux annoncée par RTE, de 9 mètres par jour, mettrait en danger le nourrissage des animaux, et de fait, l’exploitation agricole.

Enfin, il est bien précisé dans l’arrêté du 28 mars 2017, que « Les travaux de franchissement des cours d’eau sont réalisés en période sèche entre août et septembre. »

Tous ces éléments ne font que renforcer notre opposition ferme au passage du fuseau de raccordement sur le chemin des Moineries, et notre inquiétude de manière plus globale sur la volonté manifeste de RTE à tenter de poursuivre ce raccordement inutile « quoiqu’il en coûte ».

Les nuisances du précédent chantier de RTE dans Erquy sont déjà multiples, notamment les nombreuses fissures côté mer et côté route, certaines en débord, survenues sur la digue de Caroual, du poste de secours jusqu’à l’avenue de la plage depuis les travaux du printemps dernier. Qu’en est-il des habitations ? Que compte faire RTE ?

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Autrefois les « enquêtes publiques » étaient dénommées « enquêtes d’utilité publique ». C’est bien dommage que ce ne soit plus le cas, car s’interroger sur la notion d’utilité publique est particulièrement opportun dans le cas du projet éolien d’Iberdrola en baie de Saint-Brieuc pour lequel le montant de l’aide publique accordée par la France s’élève à 4,7 milliards d’euros sur vingt ans grâce au tarif de rachat obligatoire de l’électricité par EDF de 155 euros par mégawattheure, auquel il faut encore ajouter 20 euros pour RTE, soit 175 euros par mégawattheure, un tarif totalement disproportionné par rapport à ce qui se pratique ailleurs en Europe, l’électricité éolienne la plus chère du monde selon le président de WindEurope, Giles Dickson …

Bien des actions d’intérêt général dans le secteur énergétique permettraient de faire bien mieux pour un coût et un impact bien moindre, économies d’énergie, rénovation de l’habitat, projet houlomoteur-hydrogène Hace-Armoric proposé par le Comité des Pêches des Côtes d’Armor. (https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cotes-d-armor/saint-brieuc/parc-eolien-en-baie-de-saint-brieuc-pourquoi-l-hydrogene-est-presente-par-les-pecheurs-comme-une-meilleure-alternative-1945480.html)

Une seule solution s’impose : l’abandon du projet.

Katherine Poujol
Présidente de Gardez les Caps

Ci-dessous, quelques déclarations présidentielles et ministérielles faisant le constat que des projets éoliens mal zonés ne pouvaient que susciter l’opposition farouche des riverains et des premiers usagers de la mer -88% d’opposition à Erquy dans l’enquête publique de 2016, et qu’en conséquence, s’il est impossible de les adapter, ces projets doivent être abandonnés.

  • 28 août 2021. Intervention du premier ministre Jean Castex le lors de la visite du chantier éolien de Saint-Nazaire (à 00:24:04 https://www.youtube.com/watch?v=p-5_zDINVJo« Il faut le dire quand même, il fut un temps où la concertation commençait alors que le projet était déjà acté et figé pas que dans ce registre d’ailleurs mais ne laisser aucune marge de manœuvre à la concertation a évidemment alimenté les tensions dont nous constatons encore les effets sur plusieurs autres projets en cours de réalisation. »
  • 3 décembre 2019. Emmanuel Macron aux Assises de l’économie de la mer à Montpellier rappelle les engagements pris en matière d’accompagnement du développement économique maritime, d’environnement, d’énergies marines renouvelables. (https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/12/03/locean-poumon-de-lhumanite-qui-menace-de-setouffer« Mais c’est un travail derrière qu’il ne faut pas négliger, qui est un travail avec nos pêcheurs et tous ceux qui ont l’usage de la mer, parce qu’il faut que les conflits d’usage soient réglés avant que les parcs ne soient déployés, et là aussi, à chaque fois, nous avons su régler ces problèmes et il faut continuer dans l’esprit de responsabilité. »
  • 5 avril 2019. Courrier du premier ministre Édouard Philippe aux 120 députés s’inquiétant des ambitions EnR de la PPE en projet. (http://gardezlescaps.org/wp-content/uploads/2014/10/Edouard-Philippe-5-avril-2019.pdf« Mais j’ai constaté, dès mon arrivée, les difficultés majeures générées par les décisions des précédents gouvernements concernant les appels d’offres éoliens en mer initiés en 2011 et 2013. Lancés trop tôt, avec des procédures inadaptées et pour des volumes trop importants, ces projets étaient très largement retardés du fait des défauts de leur conception même, alors qu’ils obéraient par ailleurs de manière très substantielle le financement de la transition énergétique. »