Éolien Baie de Saint-Brieuc. Sortons de l’impasse !

Gardez les Caps-Cap d'Erquy

Cap d’Erquy

Gardez les Caps conteste depuis 2012, la légalité et la pertinence du projet éolien d’Ailes Marines en baie de Saint-Brieuc. Le chantier en mer a été engagé le 3 mai 2021, il confirme hélas les nombreux manquements identifiés depuis 2012, et auxquels il n’a jamais été remédié.

Le projet éolien (62 éoliennes de 207m de haut à 16-17 km des caps d’Erquy et de Fréhel, en plein cœur du gisement de coquilles Saint-Jacques le plus dense d’Europe), est placé à la jonction de quatre zones Natura 2000, sur le couloir de migration des oiseaux, des poissons, des grands crustacés, des céphalopodes. La baie abrite la plus importante population européenne de grands dauphins sédentarisés, le fond de la baie, la plus grande Réserve Naturelle de Bretagne.

L’ensemble de la baie de Saint-Brieuc devait être protégé réglementairement. Mais en 2012, le projet de Parc Naturel Marin à l’étude dans le golfe Normand-breton de La Hague à Bréhat, a été abandonné alors que l’enquête publique était programmée au premier trimestre 2013. http://gardezlescaps.org/la-hague-brehat-projet-de-parc-naturel-marin/

Natura 2000

Enquête publique de 2016, Carte des zones Natura 2000 ( zones beige clair, beige foncé, striées)

1. La zone sélectionnée a été fixée et figée arbitrairement par l’État.

En 2010, 180 km2 de la Baie de Saint-Brieuc ont été désignés « zone propice » non modifiable pour de l’éolien industriel, sans aucune évaluation environnementale préalable, ni enquête publique, ce qui contrevient au droit français et de l’Union européenne.

De ce fait, toutes les évaluations ultérieures du site, n’ont eu pour fonction que de valider le choix initial de l’emplacement, et non de procéder à son évaluation, quelles qu’en soient les conséquences, au mépris des règlements applicables aux espèces et aux habitats, ainsi qu’au mépris des usagers de la mer, les pêcheurs artisans de la baie de Saint-Brieuc.

Le résultat est une accumulation d’irrégularités et de manques à la protection des habitats et des espèces depuis 10 ans, en dépit des réserves de l’Autorité environnementale et de celles du Conseil national de protection de la nature :

X 16 dérogations à la destruction d’espèces et d’habitats protégés des oiseaux marins, puis au final 54 dérogations accordées pour les oiseaux, 5 pour les mammifères marins.

X Des chauves-souris migratrices protégées sans demande de dérogation.

X Et surtout, des coraux et des gorgones qui ne sont même pas signalés par le développeur, alors que les zones de protections réglementaires SIC, ZPS et Natura 2000, situées à 460 mètres du chantier ont vocation de protéger les habitats récifs.

Gardez les Caps Gorgonnes et coraux de la BdSB

2. Depuis 2012, Ailes Marines-Iberdrola est sourd à toute atténuation des impacts.

X L’industrie éolienne atteste que la quasi-totalité des projets d’éolien en mer en construction utilisent la technique dite du « double rideaux de bulles » pour atténuer le vacarme des forages. En baie de Saint-Brieuc, 193 forages de 20 à 49 mètres sont programmés, mais Ailes Marines a refusé d’utiliser cette technique au prétexte que les fonds marins n’y étaient pas adaptés, et s’en remet aux « capacités de fuite des espèces » !

X 35.500 m3 de sédiments secs environ vont être extraits de ces forages, Ailes Marines a refusé de les débarquer à terre et les remet en suspension dans la colonne d’eau.

X Les anodes sacrificielles en aluminium ne seront pas remplacées par d’autres techniques moins polluantes, contrairement aux engagements pris auprès du Comité des Pêches des Côtes-d’Armor, et contrairement aux autres projets d’éolien en mer français équipés de fondations jackets (Le Tréport et Yeu-Noirmoutier).

X Non-respect des protocoles d’études validés par le Conseil scientifique, non-respect des prescriptions des autorisations de 2017, imprécisions, contradictions dans les méthodologies des études mises en œuvre, etc., la liste des anomalies et engagements non tenus dans le développement du projet est préoccupante

X A terre, le chantier du raccordement électrique mené par RTE est conduit à marche forcée et de manière illégale parfois, alors que le chantier en mer est très en retard et qu’un délai supplémentaire d’un an a déjà été annoncé par Iberdrola. Ainsi, RTE refusant de contourner un chemin d’exploitation agricole à Erquy, pour installer les deux fourreaux de câbles à 225.000 volts du raccordement, a présenté à l’enquête publique de septembre 2021, un plan cadastral faux, sur lequel tout ce qui gêne RTE a disparu, notamment une stabulation de vaches laitières bio de 800m2 qui lui a été signalée dès 2013 !

3. Le chantier est un échec qui ne semble conduire à aucun questionnement des autorités.

Le 19 mars 2021, Ailes Marines a présenté à la Commission nautique, le programme d’engagement des travaux qui allaient être réalisés en 2021, soit « 50% de pieux installés en 2021 » et une « proximité des fondations les unes des autres afin de travailler dans des zones concentrées, et réduire l’emprise des travaux en 2021. »

AM Planning 2

Aucun de ces objectifs n’a été tenu !

Pendant six mois, le chantier d’Iberdrola a relevé davantage d’une expérimentation grandeur nature que d’une construction :

X 10 changements de zone successifs en pleine saison de reproduction de la ressource,
X pour un résultat final minimal, sans rapport avec le calendrier initial : 3 fondations terminées au lieu des « 30-32 » annoncées, et deux pollutions d’huile hydraulique, sur lesquelles nous n’avons toujours aucune information.

Deux hypothèses, soit la faisabilité du projet n’a jamais été établie, soit l’opérateur n’a pas la maîtrise du chantier

Les obstacles rencontrés par Iberdrola étaient anticipables, la nature du sous-sol de la baie est de notoriété publique, comme le marnage de 12,50 mètres ou encore les violents courants de fond.

Les forages infructueux, les changements successifs de zone, l’allongement des délais d’une année, ne sont pas sans conséquences sur l’environnement marin et sur la pêche.

Ailes Marines1

Ailes Marines2

Source Ailes marines-Iberdrola

4. Les emplois annoncés en 2012 s’évaporent au fil des ans, mais la rente de 4,7 milliards d’euros garantie par l’État à Iberdrola demeure. 155€ par mégawatt produit, c’est le tarif de rachat d’électricité éolienne le plus élevé du monde, triste record.

2012, Ailes Marines promet « 2000 emplois dans le Grand-Ouest dont 1000 emplois en Bretagne » (Emmanuel Rollin, directeur d’Ailes Marines, à Jean-Yves Le Drian, le 30 mai 2012).

2016, Ailes Marines annonce 700 emplois à Brest :
–> dont 500 emplois « pour la fabrication et la conception des fondations de type jacket »
–> dont 200 emplois « pour la fabrication et la conception de la sous-station électrique. »
Auxquels s’ajoutent à Saint-Quay-Portrieux 140 emplois directs « spécialisés et pérennes »,  «pendant 20 ans au minimum. »

2021, 250 emplois à Best et une cinquantaine à Lézardrieux. Les emplois à valeur ajoutée sont concentrés à l’étranger. Les emplois français reposent sur des contrats aidés.

5. A l’épreuve des faits, sortons de cette impasse !

L’objectif de développement des énergies renouvelables ne peut pas primer sur la protection du vivant quels que soient nos opinions politiques et nos engagements personnels.

Il est encore temps de repenser la pertinence du projet d’Iberdrola.

D’une part, nous sommes en face d’une entreprise dont il est désormais avéré qu’elle a érigé les mauvaises pratiques en système, d’autre part, le chantier qu’elle a dirigé en mer pendant six mois est un échec flagrant, sur lequel se greffent l’opposition farouche des premiers usagers de la mer, les pêcheurs, ainsi que celle des riverains (88% d’opposition à Erquy dans l’enquête publique de 2016) et des associations environnementales indépendantes.

Cette situation appelle un arrêt du projet, une sortie négociée et honorable de l’impasse actuelle.

A minima, un moratoire, afin que les travaux ne redémarrent pas au 1er mars alors qu’on est en pleine campagne présidentielle -et de pêche à la coquille, ne l’oublions pas. Mais une décision lucide doit conduire à l’abandonner. C’est un exercice de responsabilité. La réalité doit être regardée en face : mal zoné dès l’origine, le projet éolien de la Baie de Saint-Brieuc ne peut qu’être abandonné.

Des solutions alternatives existent et doivent être recherchées.

Le Comité des Pêches des Côtes-d’Armor a présenté à la Région et aux services de l’État, un système houlomoteur qui produit de l’électricité et de l’hydrogène vert et permettrait de décarboner toute la flotte de la baie de Saint-Brieuc, le système Hace de Jean-Luc Stanek reconnu par une dizaine de prix internationaux.

Ou encore, des éoliennes flottantes en dehors de la bande côtière que les pêcheurs artisans ont maintenu vivante par 40 années de gestion durable, en dehors des zones et des habitats protégés réglementairement, des couloirs de migration et des zones de reproduction de la faune marine et des oiseaux.

Gardez les Caps Port d'Erquy

Erquy, depuis le port