Aout 2012 – Ce qu’il faut savoir sur le projet de centrale éolienne en baie de Saint-Brieuc – partie 1

De l’énergie éolienne en général

IMPORTANT : aujourd’hui, l’électricité ne se stocke pas (sauf en très petite quantité).
Pour stocker l’équivalent d’une semaine de production d’électricité (à raison de 1,5 TWh par jour en gros), il faudrait fabriquer 7 tonnes de batteries plomb-acide par Français (une telle batterie stocke environ 30 Wh par kg de poids (JM Jancovici (1) : Combien d’éoliennes faudrait-il installer en France pour produire la totalité du courant consommé – Juin 2000 et MAJ Janvier 2012).

I.1- Des directives européennes à la création de centrales éoliennes en mer
NB : Nous utilisons le terme de « centrale » car il s’agit bien de centrales électriques, c’est-à-dire d’ensembles d’installations destinées à une production importante d’électricité. L’emploi, trompeur et abusif, des termes de « parc » ou de « ferme » vise à masquer une réalité industrielle sous un voile écologique.

I.1.1- Les énergies renouvelables (ENR) : les objectifs européens.
Les objectifs européens (2007) fixent qu’en 2020, 23% de la consommation totale d’énergie en France devraient être obtenus à partir de sources d’énergies renouvelables. Il est important de souligner que les instructions européennes concernent la consommation totale d’énergie (dont les applications liées au chauffage autre qu’électrique, au refroidissement et au transport etc…) et non pas la seule consommation d’électricité qui représente environ 24% de notre consommation totale d’énergie (source Service de l’observation et des statistiques : SOeS – Memo avril 2010).

Les sources d’énergies renouvelables (ENR) sont :
o La Biomasse : bois, bio carburant, bio gaz.
o L’hydraulique :

– Barrages (en eau douce ou en mer) : hydroélectrique, marémotrice (barrage de la Rance) qui représente aujourd’hui plus de 80% de la production électrique générée par les ENR en France.
– Mouvements de la mer et des courants : houlomotrice, hydroliennes (hélices sous-marines).

o Le vent : éolien (terrestre et offshore) qui représente 1,8%de la consommation électrique française (2010) et 10% environ de la production électrique totale générée par les ENR.
o Le Solaire.
o La Géothermie (chaleur de la terre, source eau chaude…).

I.1.2- L’application en France pour ce qui concerne l’électricité d’origine éolienne :
Dans ce contexte, la France a décidé la construction d’un parc éolien de 25.000 MW correspondant à une production d’environ 51.000 GWh par an (les éoliennes terrestres ne produisent en moyenne que 22% de leur puissance potentielle, les éoliennes offshore 26/28%), ce qui représenterait dans l’absolu à horizon 2020 environ 9 % de la production électrique Française estimée à 552.000 GWh (source Service de l’Observation et des Statistiques SOeS – Vision 2020-2010) et environ 2% de notre consommation totale d’énergie.

I.1.3- La part de l’éolien en mer a été fixée à 6.000 MW, soit une production de 14.200 GWh par an, représentant 2,6% de la consommation électrique totale (base estimation consommation d’électricité française en 2020) et un investissement direct estimé à 20 milliards d’euros (sachant que d’autres investissements sont induits voir § I.5).
Le financement (en France) de l’opérateur est assuré par un tarif d’achat fixe garanti par l’état pour une durée de 20 ans (durée de vie estimée d’une éolienne), répercuté sur la facture d’électricité du consommateur.
Notons que l’éolien offshore (construction, exploitation d’un site mais hors coûts induits) coûte environ 2 à 3 fois plus cher que le terrestre selon les sources (H. Flocard « Vent de mer, vent de terre » – Libération du 7 avril 2012 – etc..)
Cette fourchette de prix de revient, tend à démontrer (avec de nombreux autres éléments) que les décisions du Grenelle de l’environnement ont été prises sans que de solides informations concernant les coûts et les performances soient disponibles et/ou recherchées et/ou prises en compte. (2)

(1) J.M Jancovici : Ingénieur conseil spécialisé dans le domaine des énergies en général et le réchauffement climatique . Membre entre autre du comité stratégique de la Fondation pour la Nature et l’Homme (anciennement Fondation Nicolas Hulot) et du Conseil Scientifique du Service de l’Observation et des Statistiques du Ministère de l’Ecologie…etc.. Son site : www.manicore.com
(2) Les statistiques RTE concernant l’éolien terrestre ne sont disponibles que depuis 2010. Certains rapports réalisés à la demande de l’Ademe ou autre organisme décideur et que nous avons lus semblent, avec le recul, d’une grande « légèreté ».

I.2- Le vent, une source d’énergie instable, une production faible

I.2.1- Le vent une source instable et aléatoire, qui varie de jour en jour, d’heure en heure. A titre d’exemple l’étude durant 17 mois de la production de la centrale Eolienne Offshore de Robin Rigg en Ecosse (1) montre que l’efficacité du parc a été inférieure à 5% pendant 1/3 du temps avec de longs intervalles où elle était inférieure à 1% (jusqu’à 4 jours). Les fluctuations peuvent varier de 0 à 100 en 2 heures de temps.
Le vent cumule également le défaut de ne pas souffler en fonction de notre rythme de vie (la production nocturne n’a pas grande utilité) c’est la raison pour laquelle  les statistiques de production ne fournissent que des quantités dans l’absolu et non la quantité consommable et/ou consommée.


I.2.2- Une production faible
 : en moyenne annuelle environ 22% de la capacité installée pour l’éolien terrestre, de 26 à 28% pour l’offshore (1). Soit, pour 5MW installés une production annuelle réelle de 1,1MW (Terrestre) ou de 1,35MW (Offshore). Une éolienne ne délivre sa puissance maximale (dite encore puissance nominale) que dans une fourchette de vitesses de vent assez restreinte : faible, le vent n’entraîne pas les pales assez vite, trop fort, il faut réduire la vitesse de rotation (en faisant pivoter les pales) pour éviter des perturbations aérodynamiques.
Bizarrement, les chiffres annoncés par les promoteurs de l’éolien, relayés par la presse, prennent toujours en compte le potentiel installé, jamais la production réelle qui n’en représente au mieux que le quart.
Il est aisé de le vérifier. La production d’électricité éolienne française peut être suivie au jour le jour, et heure par heure, en se connectant sur le site web de RTE (Réseau de Transport Electrique) (2).
Par exemple, aujourd’hui 20/08/2012, date à laquelle nous mettons ce document à jour, la prévision de production éolienne française est en moyenne pour 24H de 7% du potentiel installé et de 5% seulement entre 8h et 21h.
Il convient d’ajouter que le vent souffle à peu près de la même façon dans toute l’Europe avec, certes, des variations mais les courbes de production sont les mêmes. Cette corrélation est, évidemment, encore plus sensible s’agissant de zones géographiques plus restreintes comme la Manche ou la Mer du Nord. Cela signifie que l’interconnexion Européenne (dit « foisonnement ») n’a pas grand sens en ce qui concerne l’éolien.

 

Production Eolienne Européenne du 1er Septembre 2010 au 28 mars 2011
(
Source : Sauvons le climat/Novembre 2011 sur données exploitants du réseau)

Total Puissance installée
65000 MW
 

Puissance injectée heure par heure sur le réseau par l’ensemble des éoliennes d’Europe entre le 1er septembre 2010 et le 28 mars 2011.

Le maximum de la puissance installée (6.500MW) n’est jamais atteint (le maximum se situe aux 2/3 environ), et le minimum s’établit à un peu moins de 4% de la puissance installée (en septembre).


(1)
Statistiques issues de l’étude sur 17 mois de la production du parc Robin Rigg (début de production en 2010 – 60 éoliennes) implanté dans l’estuaire de la Solway à la frontière de l’Ecosse et de l’Angleterre. Un site mieux venté que ceux où seront implantées les éoliennes offshore en France. Source Vent de Mer, Vent de Terre – Hubert Flocard – CNRS.
(2) www.rte-france.com – Portail client – rubrique producteur– Données – Prévisions de production éolienne : http://clients.rte-france.com/lang/fr/clients_producteurs/vie/previsions_eoliennes.jsp)

 

I.3- De l’éolien à la création de centrales thermiques de régulation.
Pour pallier les sautes du vent, il faut en relais d’autres sources d’approvisionnement. Dans les conditions techniques actuelles, les centrales thermiques (gaz ou charbon) avec l’hydraulique (barrages) (1) constituent les moyens les mieux adaptés car les plus souples d’utilisation. Nous allons donc devoir créer des centrales thermiques (polluantes et émettrices de gaz à effet de serre) pour compenser l’intermittence de l’approvisionnement par l’éolien. L’UFE (Union Française de l’Electricité) estime, dans son étude Electricité 2030, qu’il faudra créer entre 40 et 60 usines thermiques (dans un scénario où la France garde au moins 50% d’approvisionnement électrique d’origine nucléaire, ce qui semble être le seuil plancher (www.ufe-electicite.fr  – Rapport Electricité 2030).
La France n’ayant ni charbon, ni gaz, nous importerons, comme les autres pays européens soumis aux directives de l’Union européenne, du gaz en provenance majoritairement de Russie (la production norvégienne commençant à décliner). Soulignons que l’utilisation du gaz nécessite la mise en place d’infrastructures d’approvisionnement qui ne permettent pas de changer facilement de fournisseur et que les prix sont très volatiles.

I.4- Une énergie qui coûte cher : nos très chères éoliennes

Le patron de GDF Suez  (1er opérateur éolien de France avec 1.000MW installés, 1er opérateur en Belgique, en Italie, second en Allemagne) met en garde contre l’éolien  (9 juin 2011).

Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, a mis en garde mardi à Montréal contre la séduction excessive qu’exercent sur l’opinion publique les énergies renouvelables ….en soulignant notamment le prix élevé de l’éolien.
« Ce sont des énergies intermittentes qui nécessiteront de grandes capacités de réserve, qui reposeront sur le gaz naturel en raison de la facilité d’utilisation des turbines à gaz », a-t-il assuré au Forum économique international des Amériques.
Gérard Mestrallet a illustré son propos par l’exemple d’une île ayant besoin de 1.000 mégawatts pour ses habitants et ses industries : « L’île veut être verte. Donc, elle construit 1.000 mégawatts d’éoliennes. C’est très bien, surtout quand il y a du vent, c’est à dire 30 % du temps. Mais comme les consommateurs veulent de l’électricité tout le temps, il faut construire à côté de ces éoliennes 1.000 mégawatts de turbines à gaz qu’on peut mettre en route comme des mobylettes quand il n’y a pas de vent et les éteindre quand il y a du vent. »
Résultat des courses, selon le patron du géant énergétique : «On paiera trois fois. D’abord, parce qu’il faut construire deux systèmes, 2.000 mégawatts, alors que l’île n’a besoin que de 1.000. Deuxièmement il faudra subventionner les éoliennes Et troisièmement, les turbines à gaz vont fonctionner seulement 70 % du temps, donc le coût en capital du mégawatt/heure sera augmenté à due concurrence. »
Conclusion : « Je pense qu’il faut bien réfléchir avant de vouloir s’engager trop massivement dans des productions intermittentes de renouvelables. »

Outre le coût des éoliennes et des centrales  thermiques associées, l’éolien implique des investissements lourds dans la refonte des réseaux électriques, leurs connections… Le réseau électrique peine, en effet, à intégrer la production instable des éoliennes (intermittence, équilibrage de l’offre à la demande) ce qui nécessite une mise à niveau des circuits d’acheminement. (Voir détail Rapport UFE : Electricité 2030 notamment coûts et Rapports RTE 2010 et 2011).
En global, l’UFE  estime, d’ici 2030, les investissements nécessaires entre 322 et 434 Milliards d’Euros selon les scénaris. L’UFE est le seul organisme qui, à notre connaissance, a essayé de chiffrer le coût global de l’éolien en prenant en compte l’ensemble des éléments dont les impacts sur la balance  commerciale Française, le coût des bons CO2 etc…
Notons, également, que l’éolien ne représente qu’une petite partie des investissements prévus et/ou induits par le Grenelle de l’environnement.

 

I.5- Le prix à payer :
Les conditions  que  le gouvernement s’est déclaré être prêt à accepter pour le prix d’1MWh (premier appel d’offres) placent le coût de l’éolien offshore bien au-delà du tarif officiel actuel. On peut estimer que la fourchette s’est établie entre 175€ et 200 €/MWh soit un prix 4 à 5 fois supérieur à celui de la production actuelle d’électricité par EDF (essentiellement nucléaire et barrages hydrauliques) et au moins deux fois plus élevé que pour l’éolien terrestre (2).
(1) L’hydraulique (barrages) est déjà bien développé en France. Il sera difficile d’étendre ses capacités.
(2) H. Flocard – CNRS « Vent de mer, vent de terre ».

Un tel coût a déjà été anticipé par la Commission de la Régulation de l’Energie (CRE) qui évalue l’alourdissement de la facture aux consommateurs à 3 milliards d’Euros (2 milliards éolien en mer + 1 Milliard éolien  terrestre) en 2020.

L’UFE estime que pour ramener la production nucléaire à 50% de notre consommation, il faudrait environ 9000 éoliennes terrestres, 2800 éoliennes en mer et  40 usines thermiques soit un investissement de 382 Milliards d’Euros pour un prix de l’électricité au consommateur final en augmentation de + 50% pour le particulier et + 65% pour les industriels. Notons que nous gardons, pour cette somme, 50% de nucléaire.

L’autre prix à payer va être la défiguration de nos paysages et de nos côtes.

A terre : La loi de programme du 13 juillet 2005,  fixant les orientations de la politique énergétique française (dite loi POPE),  introduit les « zones de développement de l’éolien » (Z.D.E.) en complément des Schémas régionaux éoliens (SRE). Si cette loi a, au moins, le mérite de limiter l’anarchie des implantations (1) et de veiller au respect de certaines règles, elle n’en est pas moins un  dispositif de soutien au développement de l’éolien.
Elle doit permettre l’installation d’au minimum 500 éoliennes par an jusqu’en 2020 soit 9000 éoliennes. Aujourd’hui leur nombre est de 3700 environ.

En mer :
4 projets d’implantations ont été retenus sur les 5 proposés lors du 1er appel d’offres (2), ce qui représente 1.928MW, 1/3 des objectifs. Le 2ème appel d’offres, à venir, devrait concerner environ 8 sites ou extensions de sites pour 4072 MW à attribuer soit environ 800 éoliennes à venir.

La France étant une grande démocratie, une chose est certaine il y aura des éoliennes pour tout le monde (enfin, pour tous ceux qui n’auront pas le pouvoir de s’y opposer).

 

1.6 Le démantèlement et les friches industrielles : des éoliennes durables
Le démantèlement est aussi un sujet préoccupant. Son coût équivaut au coût d’implantation. Qu’adviendra-t-il lorsque la technologie sera dépassée et/ou lorsque l’Etat décidera de supprimer son soutien à l’achat d’électricité produite? (L’Allemagne, comme le Royaume-Uni, s’acheminent vers la réduction des subventions).
On sait que les industriels (a fortiori lorsqu’ils sont en difficulté) ne réhabilitent pas leurs sites industriels abandonnés. En exemple, ces éoliennes rouillées, délaissées qui bordent les falaises d’Espagne et de Grèce.

 

1.7 Les promesses d’emplois
Des chiffres ont parcouru la presse : la création d’une filière française de l’éolien en mer représenterait de 7.500 à 10.000 emplois (selon EDF ou le Ministère de l’Industrie – Les Echos du 17.04.2012).
Ces annonces laissent dubitatifs. Elles relèvent, malheureusement, plus  souvent des fantasmes du monde politique, des élus locaux que de la réalité industrielle.
On y amalgame allègrement les emplois temporaires, liés à l’installation, aux emplois pérennes. On additionne les emplois que chaque maire, chaque région, espère ravir au voisin… Aucune précision sur la nature des postes (main d’œuvre, techniciens, ingénieurs …), ni leur durée. Les emplois se créent à la volée.
La réalité est que la France arrive bien tard pour développer une technologie déjà maîtrisée par de grands intervenants européens (Danois, Allemands, Espagnols..) bien implantés au niveau international et qui possèdent toutes les infrastructures, et le personnel  compétent nécessaires à la production.

En 2011, les parts de marché mondiales des principaux fabricants d’éoliennes ( selon Make Consulting) étaient les suivantes : le Danois Vestas avec 12%; le Chinois Sinovel avec 11%; l’Américain GE Wind avec 10%, le Chinois Goldwind avec 10%; l’Allemand Enercon avec 7% ; l’Espagnol Gamesa avec 7%.

(1) Jusqu’alors, les parcs éoliens de puissance inférieure à 12 MW (mégawatt) pouvaient bénéficier du système d’obligation d’achat de l’électricité ainsi produite, selon un tarif défini au niveau national. A partir du 13 juillet 2007, seule l’électricité produite par des éoliennes installées dans des Z.D.E. pourront bénéficier de ce tarif. Hors de ces zones, les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d’urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets font l’objet d’une consultation pour avis dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande d’urbanisme concernée (art 90 de la Loi Grenelle II).
(2) Ces 4 projets (Fécamp, Courseulles-sur-Mer, baie de Saint-Brieuc, Saint-Nazaire)  sont tous situés dans la partie Nord-ouest du littoral. Aucun en Méditerranée où le vent est plus important mais les fonds marins plus profonds.

D’autant que la situation économique actuelle n’incite pas aux surcoûts. Certains groupes, dont Vestas (Danemark) leader mondial, peinent à trouver des débouchés et à amortir leurs investissements (voir également résultats Eole Res en page 9).

Source Reuters 22 août 2012.Le leader mondial Vestas a annoncé mercredi devoir « intensifier » ses efforts pour s’adapter à une conjoncture difficile l’an prochain, et prévoir ainsi « le licenciement de 1.400 employés supplémentaires ».

Une 4ème vague de licenciement :
En janvier, le groupe danois avait déjà annoncé la suppression de 2.335 postes… Et il pourrait ne pas s’arrêter là. Le groupe a confirmé mercredi qu’il pourrait encore supprimer 1.600 emplois supplémentaires aux Etats-Unis, si le système de crédit d’impôts actuellement en cours n’était pas prolongé au-delà de 2012. Vestas avait déjà supprimé 3.000 postes en octobre 2010, et 1.900 en avril 2009.

Une vive concurrence chinoise : Vestas est confronté à une vive concurrence d’acteurs chinois, comme Sinovel ou Xinjiang Goldwind Science & Technology, mais aussi de groupes européens comme l’allemand Nordex, sur des marchés européen et américain affectés par les baisses de subventions publiques. Le marché chinois, en forte croissance, reste lui relativement fermé.

Du reste, les entreprises  françaises impliquées dans l’éolien en mer ont toutes passé des accords avec des groupes européens et/ou ont déjà des filiales en Europe consacrées à l’ingénierie,  la fabrication, la réalisation de ce type de projets industriels.
Les investissements sont lourds et longs à mettre en place pour le seul marché français.
Certains pourraient arguer que nous participerons ainsi à la création ou au maintien d’emplois en Europe. Certes. Si nous nous réjouissons pour nos partenaires et amis européens, le citoyen qui dort en nous accepte difficilement que ces mêmes investissements, que nous allons financer, participent également  à plomber l’industrie française qui va subir à terme une augmentation conséquente (63% ?) de son électricité (elle n’en a pas besoin) ainsi qu’au déficit de notre balance des paiements.
Nous n’aurons même plus nos paysages pour nous consoler.

Conclusion sur l’énergie éolienne

L’électricité d’origine éolienne produite à l’échelon industriel est une énergie peu productive, peu rentable et au final polluante que ce soit en terme paysager ou de CO2 émis par les centrales thermiques associées. Sa mise en œuvre nécessite des investissements et un système de subventions  très lourds qui vont  se traduire par une augmentation importante des tarifs d’électricité pour le consommateur et l’industrie.

On peut considérer que la charge des coûts induits importe peu si elle peut  nous permettre un approvisionnement énergétique non polluant et nous « libérer » du nucléaire. Mais force est de constater que ce n’est absolument, et malheureusement, pas le cas avec l’éolien.

Il est évident que la masse financière que représente le programme d’installations d’éoliennes, dont les éoliennes en mer, intéresse fortement de nombreuses sociétés d’ingénierie et des grands groupes industriels internationaux. On peut les comprendre. Les milliards d’euros en jeu valent bien une messe aux louanges de l’éolien et une communication importante sur ses bienfaits. Mais compte tenu des finances publiques qui ne sont pas (et risquent de l’être encore moins) illimitées et du rapport coût / efficacité de l’éolien, il semble totalement déraisonnable d’investir aussi lourdement dans des projets qui, non seulement, n’apporteront pas de solution mais risquent de retarder ou d’obérer la mise en œuvre de moyens et de techniques plus efficaces tant en terme d’énergie que d’emplois.

L’argent investi dans l’éolien industriel manquera à la géothermie, l’habitat bioclimatique, le solaire thermique, l’exploitation de la biomasse, la pompe à chaleur, le photovoltaïque, l’hydrolien… et à la sécurisation du nucléaire qui, de toute façon, demeurera important.

 

« Faut-il passer des années à se focaliser sur 0,6% de notre consommation énergétique totale (chiffre 2010) quand, dans le même temps, un programme un peu sérieux d’économies d’énergie – comme par exemple l’isolation des logements existants, qui ne demanderait pas plus d’argent public – pourrait facilement faire baisser la consommation d’énergie de 10%, c’est à dire 20 fois plus ?

L’engouement auquel nous assistons actuellement pour l’éolien n’est donc pas fondé par des ordres de grandeur en rapport avec le problème : économiser l’énergie de manière massive est bien plus urgent que de planter des éoliennes en faisant croire que ca sera un déterminant significatif de la solution. Il s’agit, comme souvent hélas, de la conséquence logique d’un débat médiatique qui a beaucoup de mal avec les ordres de grandeur. »

Si la première priorité pour l’avenir est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, il y a bien plus efficace à faire que de mettre des éoliennes partout. La Suisse, qui n’a quasiment pas d’éoliennes, a des émissions directes par habitant deux fois moindres que celles du Danemark (qui fait partie des premiers pollueurs par habitant en Europe question gaz à effet de serre), et une fois et demi moindre que les nôtres, et pourtant il y fait froid l’hiver (30% de la consommation d’énergie en France est liée au « confort sanitaire », chauffage pour l’essentiel et eau chaude). L’Allemagne, qui vient juste après le Danemark (pour la production éolienne) a aussi des émissions de gaz à effet de serre par habitant bien au-dessus de la moyenne européenne.

Plus généralement, si notre première priorité est de minimiser notre impact sur l’environnement, penser qu’il suffit de mettre des éoliennes partout pour y parvenir est hélas un rêve. Il nous faudra pour cela renoncer à la poursuite de la croissance en volume. Dans quelle mesure les éoliennes ne sont-elles pas « aimées » parce que bien des gens y voient une alternative aux économies d’énergie, pensant que quelques éoliennes suffiront à nous éviter de changer quoi que ce soit à notre consommation d’énergie actuelle ?

Si la première priorité est de nous mettre dans un monde avec « juste des renouvelables », il est incontournable de diminuer au préalable notre consommation d’énergie d’un facteur trois à quatre : aucune solution à base de renouvelables n’est dans les bons ordres de grandeur pour nous permettre un approvisionnement à notre niveau actuel, et il s’en faut de beaucoup.

Et enfin, toutes les renouvelables ne sont pas égales ! Mettre sur un pied d’égalité la biomasse, les carburants d’origine agricole, l’éolien, le solaire, la géothermie et l’énergie hydroélectrique est ignorer que chaque forme a ses avantages et ses inconvénients, et que toutes sont très loin d’avoir le même potentiel. Au niveau actuel de consommation d’énergie que nous avons, miser beaucoup d’argent et de discours sur l’éolien servira juste à nous précipiter un peu plus vite vers les ennuis, parce, hélas pour nous, le monde est fini et donc le temps pour mettre en œuvre les « vraies » solutions aussi !

(1) J.M Jancovici : Ingénieur conseil spécialisé dans  le domaine des énergies en général et le réchauffement climatique . Membre entre autre du comité stratégique de la Fondation pour la Nature et l’Homme (anciennement Fondation Nicolas Hulot) et du Conseil Scientifique du Service de l’Observation et des Statistiques du Ministère de l’Ecologie…etc.. Son site : www.manicore.com

Lire la partie 2

De l’énergie éolienne en général
IMPORTANT : aujourd’hui, l’électricité ne se stocke pas (sauf en très petite quantité).
Pour stocker l’équivalent d’une semaine de production d’électricité (à raison de 1,5 TWh par jour en gros), il faudrait fabriquer 7 tonnes de batteries plomb-acide par Français (une telle batterie stocke environ 30 Wh par kg de poids (JM Jancovici (1) : Combien d’éoliennes faudrait-il installer en France pour produire la totalité du courant consommé – Juin 2000 et MAJ Janvier 2012).

I.1- Des directives européennes à la création de centrales éoliennes en mer
NB : Nous utilisons le terme de « centrale » car il s’agit bien de centrales électriques, c’est-à-dire d’ensembles d’installations destinées à une production importante d’électricité. L’emploi, trompeur et abusif, des termes de « parc » ou de « ferme » vise à masquer une réalité industrielle sous un voile écologique.

I.1.1- Les énergies renouvelables (ENR) : les objectifs européens.
Les objectifs européens (2007) fixent qu’en 2020, 23% de la consommation totale d’énergie en France devraient être obtenus à partir de sources d’énergies renouvelables. Il est important de souligner que les instructions européennes concernent la consommation totale d’énergie (dont les applications liées au chauffage autre qu’électrique, au refroidissement et au transport etc…) et non pas la seule consommation d’électricité qui représente environ 24% de notre consommation totale d’énergie (source Service de l’observation et des statistiques : SOeS – Memo avril 2010).

Les sources d’énergies renouvelables (ENR) sont :
o La Biomasse : bois, bio carburant, bio gaz.
o L’hydraulique :

Barrages (en eau douce ou en mer) : hydroélectrique, marémotrice (barrage de la Rance) qui représente aujourd’hui plus de 80% de la production électrique générée par les ENR en France.
Mouvements de la mer et des courants : houlomotrice, hydroliennes (hélices sous-marines).

o Le vent : éolien (terrestre et offshore) qui représente 1,8%de la consommation électrique française (2010) et 10% environ de la production électrique totale générée par les ENR.
o Le Solaire.
o La Géothermie (chaleur de la terre, source eau chaude…).

I.1.2- L’application en France pour ce qui concerne l’électricité d’origine éolienne :
Dans ce contexte, la France a décidé la construction d’un parc éolien de 25.000 MW correspondant à une production d’environ 51.000 GWh par an (les éoliennes terrestres ne produisent en moyenne que 22% de leur puissance potentielle, les éoliennes offshore 26/28%), ce qui représenterait dans l’absolu à horizon 2020 environ 9 % de la production électrique Française estimée à 552.000 GWh (source Service de l’Observation et des Statistiques SOeS – Vision 2020-2010) et environ 2% de notre consommation totale d’énergie.

I.1.3- La part de l’éolien en mer a été fixée à 6.000 MW, soit une production de 14.200 GWh par an, représentant 2,6% de la consommation électrique totale (base estimation consommation d’électricité française en 2020) et un investissement direct estimé à 20 milliards d’euros (sachant que d’autres investissements sont induits voir § I.5).
Le financement (en France) de l’opérateur est assuré par un tarif d’achat fixe garanti par l’état pour une durée de 20 ans (durée de vie estimée d’une éolienne), répercuté sur la facture d’électricité du consommateur.
Notons que l’éolien offshore (construction, exploitation d’un site mais hors coûts induits) coûte environ 2 à 3 fois plus cher que le terrestre selon les sources (H. Flocard « Vent de mer, vent de terre » – Libération du 7 avril 2012 – etc..)
Cette fourchette de prix de revient, tend à démontrer (avec de nombreux autres éléments) que les décisions du Grenelle de l’environnement ont été prises sans que de solides informations concernant les coûts et les performances soient disponibles et/ou recherchées et/ou prises en compte. (2)

(1) J.M Jancovici : Ingénieur conseil spécialisé dans le domaine des énergies en général et le réchauffement climatique . Membre entre autre du comité stratégique de la Fondation pour la Nature et l’Homme (anciennement Fondation Nicolas Hulot) et du Conseil Scientifique du Service de l’Observation et des Statistiques du Ministère de l’Ecologie…etc.. Son site : www.manicore.com
(2) Les statistiques RTE concernant l’éolien terrestre ne sont disponibles que depuis 2010. Certains rapports réalisés à la demande de l’Ademe ou autre organisme décideur et que nous avons lus semblent, avec le recul, d’une grande « légèreté ».

I.2- Le vent, une source d’énergie instable, une production faible  

I.2.1- Le vent une source instable et aléatoire, qui varie de jour en jour, d’heure en heure. A titre d’exemple l’étude durant 17 mois de la production de la centrale Eolienne Offshore de Robin Rigg en Ecosse (1) montre que l’efficacité du parc a été inférieure à 5% pendant 1/3 du temps avec de longs intervalles où elle était inférieure à 1% (jusqu’à 4 jours). Les fluctuations peuvent varier de 0 à 100 en 2 heures de temps.
Le vent cumule également le défaut de ne pas souffler en fonction de notre rythme de vie (la production nocturne n’a pas grande utilité) c’est la raison pour laquelle  les statistiques de production ne fournissent que des quantités dans l’absolu et non la quantité consommable et/ou consommée.


I.2.2- Une production faible
 : en moyenne annuelle environ 22% de la capacité installée pour l’éolien terrestre, de 26 à 28% pour l’offshore (1). Soit, pour 5MW installés une production annuelle réelle de 1,1MW (Terrestre) ou de 1,35MW (Offshore). Une éolienne ne délivre sa puissance maximale (dite encore puissance nominale) que dans une fourchette de vitesses de vent assez restreinte : faible, le vent n’entraîne pas les pales assez vite, trop fort, il faut réduire la vitesse de rotation (en faisant pivoter les pales) pour éviter des perturbations aérodynamiques.
Bizarrement, les chiffres annoncés par les promoteurs de l’éolien, relayés par la presse, prennent toujours en compte le potentiel installé, jamais la production réelle qui n’en représente au mieux que le quart.
Il est aisé de le vérifier. La production d’électricité éolienne française peut être suivie au jour le jour, et heure par heure, en se connectant sur le site web de RTE (Réseau de Transport Electrique) (2).
Par exemple, aujourd’hui 20/08/2012, date à laquelle nous mettons ce document à jour, la prévision de production éolienne française est en moyenne pour 24H de 7% du potentiel installé et de 5% seulement entre 8h et 21h.
Il convient d’ajouter que le vent souffle à peu près de la même façon dans toute l’Europe avec, certes, des variations mais les courbes de production sont les mêmes. Cette corrélation est, évidemment, encore plus sensible s’agissant de zones géographiques plus restreintes comme la Manche ou la Mer du Nord. Cela signifie que l’interconnexion Européenne (dit « foisonnement ») n’a pas grand sens en ce qui concerne l’éolien.

 

Production Eolienne Européenne du 1er Septembre 2010 au 28 mars 2011
(
Source : Sauvons le climat/Novembre 2011 sur données exploitants du réseau)

puissance-installeeTotal Puissance installée
65000 MW
 

Puissance injectée heure par heure sur le réseau par l’ensemble des éoliennes d’Europe entre le 1er septembre 2010 et le 28 mars 2011.

Le maximum de la puissance installée (6.500MW) n’est jamais atteint (le maximum se situe aux 2/3 environ), et le minimum s’établit à un peu moins de 4% de la puissance installée (en septembre).

 
(1)
Statistiques issues de l’étude sur 17 mois de la production du parc Robin Rigg (début de production en 2010 – 60 éoliennes) implanté dans l’estuaire de la Solway à la frontière de l’Ecosse et de l’Angleterre. Un site mieux venté que ceux où seront implantées les éoliennes offshore en France. Source Vent de Mer, Vent de Terre – Hubert Flocard – CNRS.
(2) www.rte-france.com – Portail client – rubrique producteur– Données – Prévisions de production éolienne : http://clients.rte-france.com/lang/fr/clients_producteurs/vie/previsions_eoliennes.jsp)

 

I.3- De l’éolien à la création de centrales thermiques de régulation.
Pour pallier les sautes du vent, il faut en relais d’autres sources d’approvisionnement. Dans les conditions techniques actuelles, les centrales thermiques (gaz ou charbon) avec l’hydraulique (barrages) (1) constituent les moyens les mieux adaptés car les plus souples d’utilisation. Nous allons donc devoir créer des centrales thermiques (polluantes et émettrices de gaz à effet de serre) pour compenser l’intermittence de l’approvisionnement par l’éolien. L’UFE (Union Française de l’Electricité) estime, dans son étude Electricité 2030, qu’il faudra créer entre 40 et 60 usines thermiques (dans un scénario où la France garde au moins 50% d’approvisionnement électrique d’origine nucléaire, ce qui semble être le seuil plancher (www.ufe-electicite.fr  – Rapport Electricité 2030).
La France n’ayant ni charbon, ni gaz, nous importerons, comme les autres pays européens soumis aux directives de l’Union européenne, du gaz en provenance majoritairement de Russie (la production norvégienne commençant à décliner). Soulignons que l’utilisation du gaz nécessite la mise en place d’infrastructures d’approvisionnement qui ne permettent pas de changer facilement de fournisseur et que les prix sont très volatiles.

I.4- Une énergie qui coûte cher : nos très chères éoliennes

Le patron de GDF Suez  (1er opérateur éolien de France avec 1.000MW installés, 1er opérateur en Belgique, en Italie, second en Allemagne) met en garde contre l’éolien  (9 juin 2011).

Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, a mis en garde mardi à Montréal contre la séduction excessive qu’exercent sur l’opinion publique les énergies renouvelables ….en soulignant notamment le prix élevé de l’éolien.
« Ce sont des énergies intermittentes qui nécessiteront de grandes capacités de réserve, qui reposeront sur le gaz naturel en raison de la facilité d’utilisation des turbines à gaz », a-t-il assuré au Forum économique international des Amériques.
Gérard Mestrallet a illustré son propos par l’exemple d’une île ayant besoin de 1.000 mégawatts pour ses habitants et ses industries : « L’île veut être verte. Donc, elle construit 1.000 mégawatts d’éoliennes. C’est très bien, surtout quand il y a du vent, c’est à dire 30 % du temps. Mais comme les consommateurs veulent de l’électricité tout le temps, il faut construire à côté de ces éoliennes 1.000 mégawatts de turbines à gaz qu’on peut mettre en route comme des mobylettes quand il n’y a pas de vent et les éteindre quand il y a du vent. »
Résultat des courses, selon le patron du géant énergétique : «On paiera trois fois. D’abord, parce qu’il faut construire deux systèmes, 2.000 mégawatts, alors que l’île n’a besoin que de 1.000. Deuxièmement il faudra subventionner les éoliennes Et troisièmement, les turbines à gaz vont fonctionner seulement 70 % du temps, donc le coût en capital du mégawatt/heure sera augmenté à due concurrence. »
Conclusion : « Je pense qu’il faut bien réfléchir avant de vouloir s’engager trop massivement dans des productions intermittentes de renouvelables. »

Outre le coût des éoliennes et des centrales  thermiques associées, l’éolien implique des investissements lourds dans la refonte des réseaux électriques, leurs connections… Le réseau électrique peine, en effet, à intégrer la production instable des éoliennes (intermittence, équilibrage de l’offre à la demande) ce qui nécessite une mise à niveau des circuits d’acheminement. (Voir détail Rapport UFE : Electricité 2030 notamment coûts et Rapports RTE 2010 et 2011).
En global, l’UFE  estime, d’ici 2030, les investissements nécessaires entre 322 et 434 Milliards d’Euros selon les scénaris. L’UFE est le seul organisme qui, à notre connaissance, a essayé de chiffrer le coût global de l’éolien en prenant en compte l’ensemble des éléments dont les impacts sur la balance  commerciale Française, le coût des bons CO2 etc…
Notons, également, que l’éolien ne représente qu’une petite partie des investissements prévus et/ou induits par le Grenelle de l’environnement.

 

I.5- Le prix à payer :
Les conditions  que  le gouvernement s’est déclaré être prêt à accepter pour le prix d’1MWh (premier appel d’offres) placent le coût de l’éolien offshore bien au-delà du tarif officiel actuel. On peut estimer que la fourchette s’est établie entre 175€ et 200 €/MWh soit un prix 4 à 5 fois supérieur à celui de la production actuelle d’électricité par EDF (essentiellement nucléaire et barrages hydrauliques) et au moins deux fois plus élevé que pour l’éolien terrestre (2).

(1) L’hydraulique (barrages) est déjà bien développé en France. Il sera difficile d’étendre ses capacités.
(2) H. Flocard – CNRS « Vent de mer, vent de terre ».

Un tel coût a déjà été anticipé par la Commission de la Régulation de l’Energie (CRE) qui évalue l’alourdissement de la facture aux consommateurs à 3 milliards d’Euros (2 milliards éolien en mer + 1 Milliard éolien  terrestre) en 2020.

 L’UFE estime que pour ramener la production nucléaire à 50% de notre consommation, il faudrait environ 9000 éoliennes terrestres, 2800 éoliennes en mer et  40 usines thermiques soit un investissement de 382 Milliards d’Euros pour un prix de l’électricité au consommateur final en augmentation de + 50% pour le particulier et + 65% pour les industriels. Notons que nous gardons, pour cette somme, 50% de nucléaire.

L’autre prix à payer va être la défiguration de nos paysages et de nos côtes.

A terre : La loi de programme du 13 juillet 2005,  fixant les orientations de la politique énergétique française (dite loi POPE),  introduit les « zones de développement de l’éolien » (Z.D.E.) en complément des Schémas régionaux éoliens (SRE). Si cette loi a, au moins, le mérite de limiter l’anarchie des implantations (1) et de veiller au respect de certaines règles, elle n’en est pas moins un  dispositif de soutien au développement de l’éolien.
Elle doit permettre l’installation d’au minimum 500 éoliennes par an jusqu’en 2020 soit 9000 éoliennes. Aujourd’hui leur nombre est de 3700 environ.

En mer :
4 projets d’implantations ont été retenus sur les 5 proposés lors du 1er appel d’offres (2), ce qui représente 1.928MW, 1/3 des objectifs. Le 2ème appel d’offres, à venir, devrait concerner environ 8 sites ou extensions de sites pour 4072 MW à attribuer soit environ 800 éoliennes à venir.

 La France étant une grande démocratie, une chose est certaine il y aura des éoliennes pour tout le monde (enfin, pour tous ceux qui n’auront pas le pouvoir de s’y opposer).

 

1.6 Le démantèlement et les friches industrielles : des éoliennes durables
Le démantèlement est aussi un sujet préoccupant. Son coût équivaut au coût d’implantation. Qu’adviendra-t-il lorsque la technologie sera dépassée et/ou lorsque l’Etat décidera de supprimer son soutien à l’achat d’électricité produite? (L’Allemagne, comme le Royaume-Uni, s’acheminent vers la réduction des subventions).
On sait que les industriels (a fortiori lorsqu’ils sont en difficulté) ne réhabilitent pas leurs sites industriels abandonnés. En exemple, ces éoliennes rouillées, délaissées qui bordent les falaises d’Espagne et de Grèce.

 

1.7 Les promesses d’emplois 
Des chiffres ont parcouru la presse : la création d’une filière française de l’éolien en mer représenterait de 7.500 à 10.000 emplois (selon EDF ou le Ministère de l’Industrie – Les Echos du 17.04.2012).
Ces annonces laissent dubitatifs. Elles relèvent, malheureusement, plus  souvent des fantasmes du monde politique, des élus locaux que de la réalité industrielle.
On y amalgame allègrement les emplois temporaires, liés à l’installation, aux emplois pérennes. On additionne les emplois que chaque maire, chaque région, espère ravir au voisin… Aucune précision sur la nature des postes (main d’œuvre, techniciens, ingénieurs …), ni leur durée. Les emplois se créent à la volée.
La réalité est que la France arrive bien tard pour développer une technologie déjà maîtrisée par de grands intervenants européens (Danois, Allemands, Espagnols..) bien implantés au niveau international et qui possèdent toutes les infrastructures, et le personnel  compétent nécessaires à la production.

En 2011, les parts de marché mondiales des principaux fabricants d’éoliennes ( selon Make Consulting) étaient les suivantes : le Danois Vestas avec 12%; le Chinois Sinovel avec 11%; l’Américain GE Wind avec 10%, le Chinois Goldwind avec 10%; l’Allemand Enercon avec 7% ; l’Espagnol Gamesa avec 7%.


(1) Jusqu’alors, les parcs éoliens de puissance inférieure à 12 MW (mégawatt) pouvaient bénéficier du système d’obligation d’achat de l’électricité ainsi produite, selon un tarif défini au niveau national. A partir du 13 juillet 2007, seule l’électricité produite par des éoliennes installées dans des Z.D.E. pourront bénéficier de ce tarif. Hors de ces zones, les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d’urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets font l’objet d’une consultation pour avis dans le cadre de la procédure d’instruction de la demande d’urbanisme concernée (art 90 de la Loi Grenelle II).
(2) Ces 4 projets (Fécamp, Courseulles-sur-Mer, baie de Saint-Brieuc, Saint-Nazaire)  sont tous situés dans la partie Nord-ouest du littoral. Aucun en Méditerranée où le vent est plus important mais les fonds marins plus profonds.

D’autant que la situation économique actuelle n’incite pas aux surcoûts. Certains groupes, dont Vestas (Danemark) leader mondial, peinent à trouver des débouchés et à amortir leurs investissements (voir également résultats Eole Res en page 9).

Source Reuters 22 août 2012.Le leader mondial Vestas a annoncé mercredi devoir « intensifier » ses efforts pour s’adapter à une conjoncture difficile l’an prochain, et prévoir ainsi « le licenciement de 1.400 employés supplémentaires ».

Une 4ème vague de licenciement :
En janvier, le groupe danois avait déjà annoncé la suppression de 2.335 postes… Et il pourrait ne pas s’arrêter là. Le groupe a confirmé mercredi qu’il pourrait encore supprimer 1.600 emplois supplémentaires aux Etats-Unis, si le système de crédit d’impôts actuellement en cours n’était pas prolongé au-delà de 2012. Vestas avait déjà supprimé 3.000 postes en octobre 2010, et 1.900 en avril 2009.

Une vive concurrence chinoise : Vestas est confronté à une vive concurrence d’acteurs chinois, comme Sinovel ou Xinjiang Goldwind Science & Technology, mais aussi de groupes européens comme l’allemand Nordex, sur des marchés européen et américain affectés par les baisses de subventions publiques. Le marché chinois, en forte croissance, reste lui relativement fermé.


Du reste, les entreprises  françaises impliquées dans l’éolien en mer ont toutes passé des accords avec des groupes européens et/ou ont déjà des filiales en Europe consacrées à l’ingénierie,  la fabrication, la réalisation de ce type de projets industriels.
Les investissements sont lourds et longs à mettre en place pour le seul marché français.
Certains pourraient arguer que nous participerons ainsi à la création ou au maintien d’emplois en Europe. Certes. Si nous nous réjouissons pour nos partenaires et amis européens, le citoyen qui dort en nous accepte difficilement que ces mêmes investissements, que nous allons financer, participent également  à plomber l’industrie française qui va subir à terme une augmentation conséquente (63% ?) de son électricité (elle n’en a pas besoin) ainsi qu’au déficit de notre balance des paiements.
Nous n’aurons même plus nos paysages pour nous consoler.

Conclusion sur l’énergie éolienne


L’électricité d’origine éolienne produite à l’échelon industriel est une énergie peu productive, peu rentable et au final polluante que ce soit en terme paysager ou de CO2 émis par les centrales thermiques associées. Sa mise en œuvre nécessite des investissements et un système de subventions  très lourds qui vont  se traduire par une augmentation importante des tarifs d’électricité pour le consommateur et l’industrie.

On peut considérer que la charge des coûts induits importe peu si elle peut  nous permettre un approvisionnement énergétique non polluant et nous « libérer » du nucléaire. Mais force est de constater que ce n’est absolument, et malheureusement, pas le cas avec l’éolien.

Il est évident que la masse financière que représente le programme d’installations d’éoliennes, dont les éoliennes en mer, intéresse fortement de nombreuses sociétés d’ingénierie et des grands groupes industriels internationaux. On peut les comprendre. Les milliards d’euros en jeu valent bien une messe aux louanges de l’éolien et une communication importante sur ses bienfaits. Mais compte tenu des finances publiques qui ne sont pas (et risquent de l’être encore moins) illimitées et du rapport coût / efficacité de l’éolien, il semble totalement déraisonnable d’investir aussi lourdement dans des projets qui, non seulement, n’apporteront pas de solution mais risquent de retarder ou d’obérer la mise en œuvre de moyens et de techniques plus efficaces tant en terme d’énergie que d’emplois.

L’argent investi dans l’éolien industriel manquera à la géothermie, l’habitat bioclimatique, le solaire thermique, l’exploitation de la biomasse, la pompe à chaleur, le photovoltaïque, l’hydrolien… et à la sécurisation du nucléaire qui, de toute façon, demeurera important.

 

« Faut-il passer des années à se focaliser sur 0,6% de notre consommation énergétique totale (chiffre 2010) quand, dans le même temps, un programme un peu sérieux d’économies d’énergie – comme par exemple l’isolation des logements existants, qui ne demanderait pas plus d’argent public – pourrait facilement faire baisser la consommation d’énergie de 10%, c’est à dire 20 fois plus ?

L’engouement auquel nous assistons actuellement pour l’éolien n’est donc pas fondé par des ordres de grandeur en rapport avec le problème : économiser l’énergie de manière massive est bien plus urgent que de planter des éoliennes en faisant croire que ca sera un déterminant significatif de la solution. Il s’agit, comme souvent hélas, de la conséquence logique d’un débat médiatique qui a beaucoup de mal avec les ordres de grandeur. »

Si la première priorité pour l’avenir est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre,
il y a bien plus efficace à faire que de mettre des éoliennes partout. La Suisse, qui n’a quasiment pas d’éoliennes, a des émissions directes par habitant deux fois moindres que celles du Danemark (qui fait partie des premiers pollueurs par habitant en Europe question gaz à effet de serre), et une fois et demi moindre que les nôtres, et pourtant il y fait froid l’hiver (30% de la consommation d’énergie en France est liée au « confort sanitaire », chauffage pour l’essentiel et eau chaude). L’Allemagne, qui vient juste après le Danemark (pour la production éolienne) a aussi des émissions de gaz à effet de serre par habitant bien au-dessus de la moyenne européenne.

Plus généralement, si notre première priorité est de minimiser notre impact sur l’environnement, penser qu’il suffit de mettre des éoliennes partout pour y parvenir est hélas un rêve. Il nous faudra pour cela renoncer à la poursuite de la croissance en volume. Dans quelle mesure les éoliennes ne sont-elles pas « aimées » parce que bien des gens y voient une alternative aux économies d’énergie, pensant que quelques éoliennes suffiront à nous éviter de changer quoi que ce soit à notre consommation d’énergie actuelle ?

Si la première priorité est de nous mettre dans un monde avec « juste des renouvelables », il est incontournable de diminuer au préalable notre consommation d’énergie d’un facteur trois à quatre : aucune solution à base de renouvelables n’est dans les bons ordres de grandeur pour nous permettre un approvisionnement à notre niveau actuel, et il s’en faut de beaucoup.

Et enfin, toutes les renouvelables ne sont pas égales ! Mettre sur un pied d’égalité la biomasse, les carburants d’origine agricole, l’éolien, le solaire, la géothermie et l’énergie hydroélectrique est ignorer que chaque forme a ses avantages et ses inconvénients, et que toutes sont très loin d’avoir le même potentiel. Au niveau actuel de consommation d’énergie que nous avons, miser beaucoup d’argent et de discours sur l’éolien servira juste à nous précipiter un peu plus vite vers les ennuis, parce, hélas pour nous, le monde est fini et donc le temps pour mettre en œuvre les « vraies » solutions aussi !

(1) J.M Jancovici : Ingénieur conseil spécialisé dans  le domaine des énergies en général et le réchauffement climatique . Membre entre autre du comité stratégique de la Fondation pour la Nature et l’Homme (anciennement Fondation Nicolas Hulot) et du Conseil Scientifique du Service de l’Observation et des Statistiques du Ministère de l’Ecologie…etc.. Son site : www.manicore.com

 

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