Ailes Marines. Vers l’annulation du projet éolien en baie de Saint-Brieuc ?

acc_logoLe 9 mars 2018, le gouvernement français a déposé au Sénat un amendement qui, par décret, pourrait mettre fin aux projets d’éolien industriel en mer attribués en 2012 et 2014.

« En 2011 et 2013, l’Etat a lancé deux procédures de mise en concurrence pour désigner des candidats pour construire et exploiter six installations d’éoliennes en mer. A ce jour, aucun contrat d’obligation d’achat n’a été signé et aucune de ces installations n’est construite. Le tarif accordé à ces installations est très élevé et ne correspond plus aux prix actuels de l’éolien en mer, entrainant des rémunérations excessives pour les candidats retenus. »

« Les prix des parcs éolien en mer ayant fortement baissé, l’État cherche à réduire le coût de soutien public des projets. (…) Si la renégociation des contrats n’était pas possible, une des options pourrait être de mettre fin à ces projets et de relancer une nouvelle procédure dans les meilleurs délais afin de pleinement profiter des améliorations technologiques. »

« Le candidat (serait) indemnisé de l’ensemble de ses dépenses engagées. »

A Saint-Brieuc, un tarif de rachat de l’électricité de 200 € / MWh hors raccordement, garanti et indexé pendant 20 ans

Alors que le prix de marché de l’électricité évolue autour de 40 € /MWh, et qu’à l’étranger, les tarifs de rachat de l’électricité produite s’échelonnent de 62 à 80 € ! Par exemple, les parcs belges Seastar et Mermaid, à 40 km de la côte, seront mis en service en 2020, avec des éoliennes Siemens, et un tarif de rachat de 79€ /MWh pendant 16 ans, contre 200 € /MWh pendant 20 ans pour les projets français.

Le Président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), Jean-François Carenco, avait déclaré le 18 octobre 2017, lors d’une conférence organisée par Equilibre des énergies : « Le soutien total aux six parcs éoliens en mer représente 40,7 milliards d’euros sur vingt ans, pour une capacité de 3 GW. Cette somme pourrait financer 60 GW de solaire ou 40/48ème du Grand carénage d’EDF. »

Sans création d’une filière industrielle, sans création d’emplois, le promoteur est espagnol, les éoliennes allemandes, les emplois se réduisent à 40

Ailes Marines s’était engagé à bâtir une filière industrielle en France. Il annonce en 2012 « 2000 emplois dans le Grand-Ouest dont 1000 emplois en Bretagne » « (…) Ils seront créés pendant le quinquennat » assure Emmanuel Rollin, directeur d’Ailes Marines, à Jean-Yves Le Drian, ministre et président de la Région, le 30 mai 2012. « Le projet prévoit un investissement de 2 milliards d’euros avec à la clé 2000 emplois dans le Grand-Ouest, dont 1000 en Bretagne. » réitère Emmanuel Rollin au Télégramme le 11 décembre 2012.

En 2013, un communiqué d’Ailes Marine (4 septembre 2013) précise « Les opérations de suivi de production et de maintenance permettront la création de 140 emplois directs pérennes dans les Côtes d’Armor : 100 techniciens chargés des opérations de maintenance ; 20 marins chargés de transporter le personnel de maintenance et le matériel, 20 superviseurs chargés du suivi de production. » Ailes marines indique également prévoir de confier la construction des trois navires de maintenance à des chantiers navals français.

Qu’en est-il en 2018 ? 40 emplois, selon les chiffres indiqués par Ailes Marines dans le dossier présenté pendant l’enquête publique.

LIRE l’amendement proposé http://www.senat.fr/amendements/2017-2018/330/Amdt_53.html

LIRE l’article des Echos https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/0301413652049-eolien-en-mer-le-gouvernement-veut-renegocier-les-appels-doffres-2159941.php

La « machine à ne pas faire » d’Ailes Marines

« On a parfois l’impression de faire face à une machine à ne pas faire. » (…) « Il faut absolument une simplification au niveau administratif si on veut vraiment développer ce type d’énergie et ne pas laisser passer le développement de la filière, ne pas laisser les autres pays prendre un avantage qui soit ensuite irrattrapable pour la France. » déclare Emmanuel Rollin, directeur d’Ailes Marines à l’antenne de France2.

La réalité ? Ailes Marines rame depuis 2012 pour concrétiser un projet mal ficelé depuis le départ

⛔  Avril 2014 : Ailes Marines tente (et échoue grâce aux pêcheurs) d’imposer des fondations gravitaires alors qu’il a gagné l’appel d’offres en s’engageant sur des fondations jackets.

⛔  Juillet 2014 : Pour faire des économies d’échelle, Ailes Marines remplace les 100 éoliennes Areva 5 MW de sa réponse à l’appel d’offres par 62 éoliennes Adwen 8MW pas même à l’état de prototype à cette date et définitivement abandonnées aujourd’hui.

⛔  Avril 2017 : Ailes Marines demande une autorisation de carottages (pour calibrer les fondations des éoliennes) de 2 mois et demi, du 15 juin au 30 août 2017. Les pêcheurs permettent un mois supplémentaire. On apprendra en décembre 2017 qu’Ailes Marines n’a réussi à faire que 30% des carottages prévus en 3 mois et demi !

⛔  Septembre 2017 : SIEMENS-GAMESA contraint Ailes Marines à abandonner l’éolienne Adwen 8MW et à choisir l’éolienne allemande SIEMENS 8MW.

⛔  Octobre 2017 : Ailes Marines qui annonçait depuis 2012, 140 emplois pérennes à la base de maintenance informe qu’il s’agira en fait de 40 emplois !

⛔  Décembre 2017 : Ailes Marines abandonne les fondations quadripodes pour des fondations tripodes et augmente la profondeur des forages prévus, jusqu’à 61m, 58m en moyenne

⛔  Janvier 2018 : On apprend que compte tenu de la déclivité importante des fonds marins de la baie de Saint-Brieuc, et de leur irrégularité (alternance de roches et de sédiments, pas une fondation ne sera identique ! Est-ce cela le développement industriel de la filière évoqué par le directeur d’Ailes Marines ?

⛔  Février 2018 : Ailes Marines annonce la reprise des 70% de carottages restants pour définir les fondations de chaque éolienne. Emmanuel Rollin programme la campagne de carottages à partir du 6 mars sans se soucier de la saison de pêche qui bat son plein.