Peut-on croire AILES MARINES ?

Après 10 ans de refus, AILES MARINES annonce l’ensouillage des 150 km de câbles électriques de son projet de centrale éolienne en baie de Saint-Brieuc.

Avril 2020, le promoteur envoie une nouvelle salve. La pêche sous pression

Bien loin de l’image collaborative et vertueuse qu’il se donne dans les médias, AILES MARINES tente une fois de plus d’imposer aux marins pêcheurs son projet et son calendrier, feignant d’oublier les accords et engagements passés en 2012 avec les instances de la pêche.

Une fois de plus, AILES MARINES oublie que ce territoire de la baie de Saint-Brieuc est d’abord celui d’une activité économique majeure préexistant au projet d’IBERDROLA, une activité dont vit toute la baie : la PÊCHE, c’est à dire 300 bateaux, 800 marins pêcheurs, 20 ateliers de mareyage et de transformation, 2400 emplois à terre.

Qu’importe ! AILES MARINES proclame en conquistador une occupation des zones de pêche de mai à septembre, pour « des essais de forage, et plusieurs tranchées d’un kilomètre pour des essais d’ensouillage, et préalablement, des études UXO*1 (détection des éléments métalliques et engins explosifs) et géophysique (émissions sonores supérieures à 200db), et côté RTE, des études UXO, géophysiques et géotechniques ». (Communiqué du CDPMEM 22)

Une tentative de passage en force loin de toute préoccupation environnementale en cette période essentielle de repos biologique pour la reproduction des coquilles Saint-Jacques, palourdes, praires, amandes, au mépris des pêcheurs artisans de seiches, homards, bulots, bars, lieus, maquereaux, sans respect des engagements pris avec les Comités des pêches.

Mais, qu’est-ce qui pousse AILES MARINES à accélérer ainsi son calendrier, puisque l’aide d’État nécessaire à IBERDROLA pour développer ce projet, 5 milliards d’euros tout de même, demeure illégale et non autorisée, en cours d’examen par le tribunal de l’union européenne  ?

Vaines promesses et langue de bois

Devant la réaction plus que légitime des marins pêcheurs, AILES MARINES passe à l’offensive en maniant langue de bois et annonces invérifiables, dans un communiqué repris par Le Télégramme et Ouest-France daté du 22 avril « Ailes Marines réalisera deux campagnes de tests en mer visant les opérations de forage et d’ensouillage des câbles. L’objectif étant de définir à la fois des solutions de moindre impact pour l’environnement et de disposer d’outils performants et adaptés POUR ENSOUILLER LA TOTALITÉ DES CÂBLES. »

Le Télégramme- Ouest France

Tiens donc, après des refus réitérés pendant quasiment 10 ans, AILES MARINES s’engagerait pour l’ensouillage intégral des 100 km de câbles électriques en mer le concernant : « Saint-Brieuc sera le premier et, à ce jour, le seul parc éolien en mer français dont les câbles inter-éoliennes seront ensouillés en intégralité ». Dès 2010, les instances de pêche (CDPMEM 22, CDPMEM 35, CRPMEM Bretagne) avaient exigé un ensouillage total, obligatoire pour la pêche et la sécurité des bateaux sur la zone. Or, à la différence de RTE qui a toujours certifié l’ensouillage des 49 km de câbles du raccordement, AILES MARINES a continuellement refusé, ne s’engageant que sur 50% de ses câbles.

Il est vrai qu’AILES MARINES s’est fait une spécialité du refus navré : pas de courant imposé pour protéger les fondations éoliennes, mais des anodes qui largueront 160 kg d’aluminium par jour dans la baie, au-delà du seuil autorisé par l’INERIS; pas d’aspiration des sédiments extraits des 200 forages de 60-70m qui seront déversés dans les fonds marins ; pas de rideaux de bulles pour protéger la faune marine du vacarme des travaux, etc.

Doit-on tout avaler ?

Voici la carte géologique présentée par AILES MARINES en 2016 dans l’enquête publique. A l’emplacement du projet éolien, cette carte montre des fonds chahutés, une alternance de fonds meubles (sables grossiers, sables fins) et de fonds durs (lits rocheux, champs de blocs rocheux).

©Ailes Marines Enquête publique

Ce sont ces habitats variés qui créent toute la richesse halieutique de la baie. Ils abritent et protègent une grande diversité d’espèces animales et végétales. Au nord de la zone, la bathymétrie est élevée, 42m. Les pêcheurs et les plongeurs qui racontent les fonds marins à cet endroit, décrivent émerveillés d’« immenses cathédrales en dentelle de roches ».

Sachant que les blocs rocheux peuvent avoir des dimensions très importantes, il ne va pas être facile d’y creuser une tranchée pour ensouiller des câbles ! Quant aux lits rocheux (bedrocks), AILES MARINES va-t-il dynamiter les fonds marins pour créer des tranchées ?

A 225.000 Volts, les câbles électriques doivent garder une totale intégrité dans le temps face aux phénomènes de dégradation sous-marine, corrosion, houle, mouvements sédimentaires, etc. C’est pourquoi, le mode de protection conforme dans des fonds meubles est l’ensouillage, et sur des fonds durs, l’enrochement ou la pose de matelas de béton, de coquilles en acier ou en fonte dont le volume, le poids, la hauteur sont fonction des courants.

Bref, à notre connaissance, il est impossible d’ensouiller sur de la roche. Il faut nécessairement ballaster sur le câble, soit par des blocs d’une granulométrie adaptée à la force des courants pour que le dépôt ne se mette pas en mouvement, soit déposer des matelas de béton, voire des coquilles en acier ou en fonte.

AILES MARINES est rattrapé aujourd’hui par ses trois limites, sociale, environnementale, industrielle. A bon chat, bon rat, ce n’est pas avec de belles paroles qu’AILES MARINES évitera le naufrage.

Exemples d’enrochements et de matelas ©RTE Projet du banc de Guérande 2016
RTE Projet du banc de Guérande 2016

RTE Projet du banc de Guérande 2016 -2

©Emyn 2018
Exemple de coquilles en fonte ©Centrale Nantes & FMGC
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