Emplois : Bluff & Manipulation de l’Opinion

Nous publions la lettre de Jean-Pierre Abalain au Télégramme, lettre adressée en réaction à l’article paru le 11 juillet dernier « Eolien offshore. Les choix sont faits, Brest confortée. », et publiée sur le site du Télégramme dans ‘Espace des lecteurs’. http://www.letelegramme.fr/economie/eolien-offshore-les-choix-sont-faits-11-07-2014-10253330.php#content

N’oublions pas que la création annoncée des 1 000 emplois ne durerait que pendant la période de construction, 5 ans environ; alors que la destruction d’emplois – laquelle a été évaluée de manière minimaliste, durera pendant la durée de vie du site de Saint-Brieuc, c’est à dire 20 ans a minima.

«   Je vous avais adressé pour votre courrier des lecteurs, une réaction à la publication d’un article concernant les éoliennes de Kerherlal en Plouguin, que vous n’avez pas jugé bon de publier. Je réagis aujourd’hui à votre article sur les perspectives que la confirmation de fondations de type jacket pour le site éolien de Saint-Brieuc ouvre en Bretagne. Il me semble que les lecteurs du Télégramme doivent être informés des réalités des projets dont on leur vante les mérites. Si vous ne publiez pas mon texte devrais-je en déduire que la censure existe au Télégramme et qu’il est des vérités qu’il importe de taire?

L’actualité d’aujourd’hui concernant le projet éolien offshore de Saint-Brieuc, qui annonce la confirmation du choix de fondations de type jacket pour le site éolien de Saint-Brieuc, prédit des perspectives quasi enchanteresses pour l’emploi à Brest et dans la région Bretagne. Mais quelle est donc la contre partie économique de ce projet ? Un calcul simple permet de la mettre en évidence. Je souhaite que ces conséquences économiques du projet de Saint-Brieuc soient connues des lecteurs du Télégramme afin qu’ils mesurent bien les résultats réels de ce projet.

On espère un facteur de charge de 35% pour ce site offshore, donc l’équivalent de 3 070 heures de production annuelle à pleine charge; la puissance totale du site étant de 496 mégawatts, sa production espérée annuelle sera de 1,52 millions de kilowattheures. Le prix de rachat de cette production n’est pas connu mais on sait que les producteurs espèrent un prix minimum de 0,23 euros le kilowattheure.

On sait, par ailleurs, que la loi « Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité », dite loi NOME, oblige EDF à vendre une partie de sa production nucléaire aux producteurs indépendants (Poweo, Direct Énergie …) au prix de 0,042 euros le kilowattheure, prix auquel EDF ne perd pas d’argent; ce prix est donc la valeur économique maximale  de la production des éoliennes de Saint-Brieuc. On en déduit que le surcoût entre le prix de rachat de la production de ce site éolien et sa valeur économique s’établit annuellement à la somme faramineuse de 286 millions d’euros ! Soit 5,7 milliards d’euros pendant les 20 ans où ce prix de rachat sera garanti par l’État et qui iront rémunérer grassement la société Ailes Marines ! On ne peut être qu’abasourdi par cette performance absolument désastreuse au plan général.

Mais le public sait-il que ce surcoût va être entièrement payé par les consommateurs d’électricité qu’ils sont, par le biais de la taxe qui apparaît à la ligne Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) au verso de leur facture d’électricité et qui s’élève actuellement à 0,0165 euros par kilowattheure, soit déjà 10,1% du prix de vente HT du kilowattheure tarif bleu EDF ?

On nous affirme que le projet de Saint-Brieuc va créer 1 000 emplois dans la région; mais combien d’emplois, bien réels ceux-là, vont être détruits par le prélèvement sur le pouvoir d’achat des Français de ces 286 millions d’euros annuels ? Au moins 2 500 avec certitude, ce qui amène un bilan global de 1 500 emplois détruits ! On déduit aussi de ce surcoût que chacun de ces emplois va être créé au prix annuel de 28 6000 euros de taxe supplémentaire prélevée sur les consommateurs d’électricité français; et on ne peut être qu’atterré lorsque l’on constate que ce montant représente, au moins 7 fois plus que le montant, taxes comprises, du salaire moyen de l’emploi créé !

Cet éclairage montre que le projet éolien de Saint-Brieuc est un parfait non-sens que les politiques locaux soutiennent pourtant dans leur volonté de faire quelque chose pour l’emploi local, même si cela conduit à un désastre économique au plan général, car c’est le payeur d’impôt qui règlera la facture ! Pourquoi cet aveuglement ? Bien évidemment parce que les emplois créés localement seront bien visibles et que les politiques locaux pourront s’en féliciter, alors que les emplois détruits seront diffus, noyés dans le contexte économique général, et donc invisibles localement. Il est essentiel que ces vérités soient connues des Bretons. La réalité économique ne doit pas être biaisée afin de leur faire prendre les vessies éoliennes pour des lanternes écologiques.

Coïncidence, Monsieur Montebourg, Ministre de l’Économie, a annoncé hier soir un plan urgent destiné, par des mesures de libéralisation de prestations effectuées sous monopole, à augmenter le pouvoir d’achat des Français de 6 milliards d’euros par an. Le but de ce plan étant, par conséquence, d’augmenter la consommation efficace et donc de créer des emplois dont notre pays a tant besoin. On ne peut que suggérer à Monsieur Montebourg d’ajouter aux dispositions qu’il a retenues, l’annulation du projet offshore de Saint-Brieuc et, par extension, de tous les projets offshores actuellement dans les tuyaux, car à eux seuls ils vont mettre à zéro les améliorations qu’il espère. »