La baie de Saint-Brieuc dit NON à l’industrialisation de la mer

Le 18 avril 2017, à 5 jours de l’élection présidentielle, le jour même où il a été désavoué par la justice dans sa planification éolienne terrestre (annulation du schéma éolien de la région Bretagne), l’ancien gouvernement est passé en force sur l’éolien en mer en accordant toutes les dérogations et feux verts administratifs permettant au promoteur anglo-hispanique Ailes Marines de construire une usine électrique de 496 MW dans la baie de Saint-Brieuc, un domaine public maritime protégé. La concession est de 40 ans.

Les arrêtés sont téléchargeables sur le site de la préfecture : http://www.cotes-darmor.gouv.fr/Publications/Recueil-des-Actes-Administratifs-RAA/AVRIL-2017  Recueil spécial n°33 du 19 avril 2017 parties 1 à 5

CaroualAvant même que soient délivrés ces arrêtés par le Préfet des Côtes d’Armor, la ministre de l’Environnement avait signé et publié le 28 mars, un arrêté portant déclaration d’utilité publique pour créer une liaison électrique de deux câbles de 225 000 Volts entre la station électrique en mer appartenant à Ailes Marines au transformateur de la Doberie à Hénansal appartenant à RTE.  https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2017/3/28/DEVR1709832A/jo/texte

« Le préfet (des Côtes d’Armor) approuve simultanément la qualité des enquêtes réalisées, l’intérêt général du projet et sa compatibilité avec les grands enjeux environnementaux identifiés. » cite Ailes Marines dans son communiqué de presse.

Ainsi, l’emporte le primat du politique sur la protection de l’environnement et des hommes, sur l’opinion des populations concernées, un déni de réalité et de démocratie qui a nourri une surenchère de contrevérités et d’affirmations erronées pour justifier un choix politique.

Reprenons une à une 4 affirmations catégoriques contraires à la réalité des faits pour certaines, fortement discutables pour d’autres.

« 850 000 bretons alimentés » ?

Le promoteur Ailes Marines annonce que les 62 éoliennes développant 496 MW de puissance nominale, fourniront la consommation électrique de 850.000 bretons, chiffre repris par les autorités départementales et régionales sans la moindre indication des hypothèses de consommation.

Or, un calcul simple prenant en compte les données INSEE et RTE, montre que l’énergie qui sera produite par la centrale d’Ailes Marines pendant 1 an, équivaut à la consommation annuelle moyenne de 400.000 bretons pour leurs besoins personnels, ou de 200.000 bretons si on intègre l’énergie électrique nécessaire aux entreprises, aux transports, etc. On est bien loin des 850.000 bretons annoncés par le promoteur !

Et en l’absence de vent, le complexe éolien alimentera 0 breton, ce sont les sources d’énergie continues et pilotables qui seront à l’oeuvre : les centrales nucléaires, les centrales thermiques conventionnelles, les barrages si leur niveau le permet.

LIRE la note explicative de Jean-Claude Moreau  Production électrique et Consommation JC. Moreau

« L’intérêt général du projet » ?

A probablement 227 euros le MWh hors raccordement, tarif garanti et indexé pendant 20 ans, soit un prix 5 fois supérieur au prix du marché, financé par les consommateurs via la CSPE qui augmente chaque année sur nos factures d’électricité, il est légitime de s’interroger sur l’intérêt général de ce projet !

D’autant qu’en mer du Nord qui bénéficie de vents forts et réguliers et de hauts fonds, les tarifs poursuivent leur baisse et se dispensent même des mécanismes de soutien. En Allemagne, Dong et EnBW vendront l’électricité des derniers appels d’offres remportés au prix de marché de l’électricité au moment où les complexes seront mis en service, soit entre 2021 et 2025, comme le projet de Saint-Brieuc et les autres projets en mer français. Le prix de marché moyen en Allemagne s’est élevé l’an dernier à 29 euros le MWh : à ce prix, l’électricité de ces complexes serait à 33,4 euros le MWh hors raccordementEn novembre 2016 le parc danois de Kriegers Flak a été remporté par Dong et Vattenfall, au prix de 49,90 euros le MWh hors raccordement. sur une durée estimée à 12 ans.

« 2000 emplois » ?

Quels emplois ? Où ? Aucune précision n’est donnée, si ce n’est parfois l’indication géographique « Grand Ouest. » Il n’y a plus de filière industrielle éolienne française. Areva a cédé ADWEN à Gamesa- Siemens. Alstom a été racheté par General Electric. Aucune certitude sur les 2 usines prévues au Havre.

Par contre, avec le tourisme littoral, la pêche est le centre de gravité de l’économie des Côtes d’Armor.

Port_ErquyPECHE : Combien d’emplois seront perdus ? En valeur débarquée, Erquy et Saint-Quay-Portieux se placent au 3ème rang des 42 criées françaises. La bande côtière des 12 miles fait vivre plus des 2/3 de la flotte. L’implantation d’un complexe éolien en mer signifie la dégradation de la ressource, la perte de zones de pêche, un espace morcelé, anthropisé, conflictuel, l’augmentation du trafic, des fonds devenus dangereux, etc.

Pléneuf-Val AndréTOURISME : Combien d’emplois sont menacés ? Le littoral est dépendant économiquement du tourisme. Avec la perte de l’horizon et des plages artificialisées, quel impact sur les touristes ?

« Compatibilité avec les grands enjeux environnementaux identifiés » ?

Faut-il encore le rappeler, la baie de Saint-Brieuc, 5ème baie du monde pour l’amplitude de ses marées, jouit d’un écosystème marin spécifique, reconnu d’importance internationale. Toutes les études d’impact menées ont révélé des zones de grande portée européenne pour certaines espèces inscrites à toutes les listes rouges. L’industrialisation de la baie entrainera de graves pertes d’habitats sans aucune aire de report pour les oiseaux, tous les hauts plateaux de substrats grossiers de faible profondeur sur le littoral français sont pressentis pour accueillir des éoliennes, comme dans toute l’Europe, et dans une même période de quelques décennies. Les espèces qui utilisent spécifiquement ces habitats sont condamnées …

En juillet dernier, la ministre de l’environnement Ségolène Royal a accordé au promoteur Ailes Marines des dérogations à l’interdiction de porter atteinte à l’habitat et aux espèces de trois oiseaux (Guillemot de Troil, Macareux moine et Pingouin torda) et de trois mammifères marins (Marsouin commun, Grand Dauphin et Phoque gris).

LIRE l’avis de Ségolène Royal  Dérogation 5.5-_avis_conforme_de_la_ministre

Green energyMais il n’y a pas que les oiseaux de mer. La Manche est un couloir de migration majeur du Paléarctique occidental. Ces couloirs sont dictés par le littoral, la géographie et la physionomie des lieux et ne s’adapteront pas forcément aux infrastructures.

Comme la baie du Mont-Saint-Michel, la baie de Saint-Brieuc est un entonnoir. Le projet de l’Etat va mettre une barrière lumineuse mortelle en travers d’une baie ouverte qui se rétrécit sur une mer étroite servant de canal de transit. Toutes les migrations automnales des oiseaux terrestres traversent la terre en « entrant » par la baie de Saint-Brieuc ou par la baie du Mont St-Michel. 80 à 90% des transits des oiseaux terrestres et marins sont nocturnes … Il en va de même pour les chauves-souris migratrices. Enfin, les mammifères marins seront « chassés » d’une immense zone de leur habitat (Marsouin commun, Grand Dauphin, Dauphin de Risso…) avec pourtant des populations menacées dont la France est sensée protéger les habitats …