Le bruit en milieu marin aveugle et tue les céphalopodes, les crustacés, les coquillages …

Le Point publie cette semaine un grand entretien avec le biologiste bioacousticien Michel André. Son LAB (Laboratory of Applied Bioacoustics) à l’université polytechnique de Barcelone a placé des capteurs partout sur les mers pour écouter le monde marin menacé par le bruit des activités humaines, une pollution sonore que Michel André considère comme peut-être la pire que nous infligeons à la mer.

Michel André, LAB Université Polytechnique Barcelone

Michel André, LAB Université Polytechnique Barcelone

« Il y a dans la mer des sons d’origine physique, produits par les vagues, la pluie, les tremblements de terre. S’y ajoutent depuis des millions d’années des sons d’origine biologique. Depuis un siècle, nous y avons introduit des sons anthropogéniques liés à l’exploitation industrielle des océans : le transport, les manœuvres militaires, la recherche pétrolière, les parcs à éoliennes … »

L’impact du bruit « est patent sur les espèces qui se basent sur l’analyse acoustique pour s’orienter, se nourrir, se reproduire. Nous constatons l’augmentation des échouages massifs d’animaux marins. Leur exposition aux sons artificiels perturbe leur orientation. Mais, en 2011, notre laboratoire a mis au jour que les céphalopodes, les crustacés, les coquillages, dépourvus d’ouïe, ont des organes sensoriels nécessaires à leur équilibre, similaires à l’oreille interne des oiseaux et des mammifères. Exposé à des sons artificiels, ces organes subissent des traumatismes. On a, par exemple, constaté la mort de centaines de milliers de coquilles Saint-Jacques dans des fermes aquacoles. La pollution sonore affecte l’ensemble des animaux marins. »

LAB Université PolytechniqueBarcelone

« Le son se propage dans la mer cinq fois plus vite que dans l’air. Un bruit peut donc parcourir des milliers de kilomètres. (…) Le son dans la mer, c’est la vie ! C’est la seule façon qu’ont les animaux d’échanger des informations. Si on pollue ce canal de communication, on condamne la vie dans la mer. »

« Les bruits d’origine humaine rendent l’animal incapable de capter les informations dont il a besoin, par exemple pour détecter et éviter un bateau, ou ils le désorientent, ce qui l’amène à s’échouer et mourir. C’est là où l’effet est le plus faible. À l’autre extrémité, ils peuvent avoir des conséquences directement létales sur l’animal. La source émet avec une telle intensité et l’animal est situé si près que la mort est immédiate. Un tel son peut être produit par un sonar militaire ou par les canons à air comprimé utilisés dans les forages pétroliers, ou encore par des marteaux pneumatiques qui servent à installer les pylônes des plateformes ou des éoliennes.

Entre ces deux groupes, on trouve des traumatismes acoustiques consécutifs à l’exposition de l’animal à un bruit continu. Elle peut provoquer une surdité, temporaire si la source s’arrête, mais qui peut devenir définitive si l’exposition se prolonge. ».

« Il y a désormais des lois, au niveau européen, qui obligent les États membres à mesurer le niveau de bruit le long des côtes. Mais les lois iront toujours moins vite que la science. »

🐟 LIRE l’entretien complet sur le site du Point : L’homme qui écoute le monde du silence http://www.lepoint.fr/sciences-nature/l-homme-qui-ecoute-le-monde-du-silence-29-11-2017-2175894_1924.php

ou retranscrit sur le site du MIO https://www.mio.univ-amu.fr/?L-homme-qui-ecoute-le-monde-du

🐬 REGARDER la vidéo Futurapolis 2017, Incroyables océans, sur le site du Point  http://www.lepoint.fr/sciences-nature/l-homme-qui-ecoute-le-monde-du-silence-29-11-2017-2175894_1924.php

🐳 ECOUTER en direct l’océan sur le site Listening to the Deep Ocean (LIDO)  http://listentothedeep.com/acoustics/index.html

🐟 🐟 🐟 ET AUSSI …

Coquilles St-Jacques20minutes, décembre 2011
« Le danger vient aussi d’où on ne l’attend pas comme, par exemple, de la construction de champs toujours plus vastes d’éoliennes toujours plus grosses. Une technique courante d’installation consiste à enfoncer au fond de la mer, à l’aide d’un marteau hydraulique, un monopieu qui servira de support à la fondation de ces moulins à vent des temps modernes. Un procédé susceptible de dégager quelque 250 décibels, une dose mortelle pour les mammifères marins se trouvant dans les parages. A quoi viendra ensuite s’ajouter le bruit généré par les bateaux assurant la maintenance, la pose de câbles, l’élargissement des infrastructures portuaires… »
http://www.20minutes.fr/planete/835590-20111203-trop-bruit-sous-mer-mammiferes

DauphinsLE TEMPS, février 2012
La baisse du trafic maritime après les attentats du 11-Septembre a permis d’établir une corrélation entre la pollution sonore et le comportement des cétacés de la baie de Fundy. « A notre connaissance, il n’y avait aucun autre facteur affectant la population [de baleines] pouvant expliquer cette différence hormis la baisse du trafic maritime et de la pollution sonore sous-marine après le 11-Septembre. Les effets biologiques du stress chronique chez les baleines sont peu documentés, mais on sait que la production répétée de glucocorticoïdes chez les vertébrés a des effets négatifs sur leur santé (troubles de la croissance, du système immunitaire et de la reproduction). »
https://www.letemps.ch/sciences/2012/02/08/11-septembre-revele-bruit-stressait-baleines

CrabeFranceinfo, mars 2016
« Les poulpes, les calamars, les seiches, les coquilles Saint-Jacques, les crevettes ou encore les crabes sont impactés. Les bruits jouent sur des organes sensoriels qu’ils possèdent pour maintenir leur équilibre dans la mer. On trouve des traumatismes acoustiques qui ne sont pas compatibles avec la vie. Ces animaux souffrent de lésions irréversibles et, au bout de quelques jours, ils sont incapables de se nourrir, de s’orienter, et donc meurent. » Michel André
https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/le-bruit-sous-marin-responsable-de-l-echouage-massif-des-cetaces_1709229.html

HomardSCIENCES ET AVENIR, mars 2016
Des grands mammifères marins au zooplancton, toute la chaîne de vie océanique est aujourd’hui affectée par la pollution sonore liée aux activités humaines. (…) tandis que se déploient de par le monde de grands champs d’éoliennes et que s’intensifie le trafic maritime même dans l’océan arctique.
« Pour chaque espèce, il s’agit maintenant de comprendre quel est le niveau le plus dangereux à court et long terme ». Michel André La diversité des organismes complique le travail : les coquillages, fixes, les seiches et les poulpes, lents, sont exposés plus longtemps au bruit – et souffrent donc plus fortement – que les crustacés véloces qui s’éloignent rapidement de la source de nuisance.
https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/animaux-marins/le-bruit-humain-bouleverse-toute-la-chaine-de-vie-oceanique_102374

GOODPLANET Info, septembre 2016
« La directive européenne ‘Marine Strategy Framework Directive’ prévoit de rendre aux océans un bon état avant 2020 et a identifié le bruit comme un perturbateur du milieu. La directive demande aux états de mesurer l’état acoustique de leurs côtes et prévoit des sanctions si des seuils sont dépassés. »
https://www.goodplanet.info/agir/2016/09/09/michel-andre-bio-acousticien-alerte-pollution-oceans-bruit-monde-silence-nexiste/

Thons rouges ©Adobe stockReporterre, septembre 2016
« Toutes les activités humaines bruyantes peuvent être sources de dérangement pour les animaux marins : les activités militaires, mais aussi le trafic maritime, la construction d’éoliennes marines (particulièrement problématique, l’étape du battage des pieux) et leur fonctionnement, les travaux portuaires et la construction de digues, les activités pétrolières — prospection sismique et forages. Leur impact est d’autant plus grand que ces nuisances sont rarement isolées. « Dans la Manche, on a d’un côté une voie maritime très bruyante, de l’autre des parcs d’éoliennes en mer. Cela crée des effets cumulés du bruit qu’on connaît mal », explique Héloïse Berkowitz »
« La France est l’un des seuls pays développés où il n’existe aucun seuil réglementaire pour les émissions sonores », dénonce Ludivine Martinez.
https://reporterre.net/Sous-les-mers-la-cacophonie-humaine-assomme-les-cetaces

CNRS, Les mers ont des oreilles, septembre 2016
Une pollution acoustique en forte hausse. « Bateaux, hélicoptères, forages, sonars, éoliennes … Les bruits d’origine humaine ont un impact préoccupant sur les animaux marins. »
https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-mers-ont-des-oreilles