« Le littoral marin est inséparable du littoral terrestre, et massacrer l’un c’est massacrer l’autre. »

Nous publions la déclaration faite le 1er octobre 2014 devant le Président du Réseau des Grands Sites de France, Monsieur Louis VILARET et devant le Vice-Président du Conseil Général, Président de l’O.G.S. Cap d’Erquy-Frehel, Monsieur Philippe MESLAY, par Jean de La Motte de Broöns, Délégué Départemental de la SPPEF pour les Côtes d’Armor.

« La question que nous aurions aimé poser aux différents intervenants et participants des XVIe Rencontres des Grands Sites, est la suivante : “ Le label Grand Site est–il compatible avec le parc éolien offshore de la Baie de Saint-Brieuc ? ”

Pour la Société de Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France, association nationale, créée en 1901, reconnue d’utilité publique et agréée par le Ministère de l’Environnement, dont je suis le Délégué pour les Côtes d’Armor,  la réponse est : non ! Le littoral marin est inséparable du littoral terrestre, et massacrer l’un c’est massacrer l’autre.

J’ajoute que outre les associations locales comme Gardez les Caps, Fréhel Environnement, ou la toute nouvelle Association Amis du Grand Site Cap d’Erquy-Cap Fréhel, toutes membres de la SPPEF, et opposées résolument au projet d’Ailes Marines, une autre association nationale dont je suis  membre, La Demeure Historique, s’oppose à ce projet, car il impacte négativement l’un des monuments emblématiques des Côtes d’Armor : le Fort-la-Latte, classé Monument Historique. Le Conseil Général, qui dépense beaucoup d’argent pour la restauration d’autres monuments historiques sur la côte comme l’abbaye de Beauport et le château de La Roche-Jagu, devrait porter la même attention au Fort-la-Latte, bien qu’il soit en mains privées.
On objectera que le Ministère ne voit aucune incompatibilité ? Mais sur quels critères et quels arguments ? Il s’agit là d’une simple pétition de principe sans aucune valeur.  Je prendrai l’exemple que je connais bien, de la cathédrale de Chartres, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, visible à plus de 30 km à la ronde, bien que le plus haut de ses deux clochers ne culmine qu’à 115 m. Son rayon de protection est de 23 km. Et l’on voudrait installer des éoliennes de 215 m (soit 100 m de plus), à seulement 16 km du Cap d’Erquy et à 17 km du Cap Fréhel ? C’est aberrant !

Accepter la création de cette véritable usine éolienne côtière serait créer un précédent redoutable pour tous les Grands Sites de France. Certes, on peut penser que certains seraient protégés par l’UNESCO, comme le Pont du Gard ou Chartres, mais rappelez-vous les alertes récentes sur le Mont-Saint-Michel, et les projets en cours menaçant Vézelay. Qu’en sera-t-il demain d’autres sites auxquels je vous sais attaché, comme Saint-Guilhem-le-Désert, le Cirque de Mourèze  ou le Lac du Salagou ? Le Conseil Général des Côtes d’Armor, alors que l’agriculture productiviste est  en plein marasme, sacrifiera-t-il la seconde activité économique du département, le tourisme ?

J’en viens à présent à l’aménagement lui-même du site. Nous avons les plus grandes craintes depuis que Madame Le Dissez, députée et Présidente du Conservatoire du Littoral, a commis un cahier d’acteur favorable au parc éolien. On lit également sous la plume de Monsieur Michel Dupré, collaborateur du Conseil Général, qu’il faudrait faire du Cap d’Erquy un quasi jardin public ! Pourquoi pas un Luna Park ?

Conserver aux deux caps leur aspect naturel et même sauvage, préserver un paysage marin exceptionnel, immuable depuis des millénaires, c’est cela qu’attendent les 1 600 000 visiteurs qui viennent chaque année les admirer, et non des boutiques, comme celles créées près du Pont du Gard, ou celles heureusement déplacées de la Pointe du Raz.

Je voudrais enfin souligner l’absence totale de démocratie dans le cadre de la procédure suivie. La concertation, ce n’est pas “cause toujours, tu m’intéresses…”, mais une véritable participation, y compris aux décisions du Comité de Pilotage. Trop souvent, nous voyons à quoi se réduit la vie locale, municipale comme départementale, 1 an de démagogie avant les élections, 2 jours de démocratie, puis plusieurs années d’autocratie… avant que le cycle ne recommence.

Je vous remercie de nous avoir écoutés, et peut-être  entendus. Et j’espère que vous voudrez bien  évoquer notre question initiale « L’attribution du Label Grand Site de France aux caps d’Erquy et de Fréhel vous paraît-elle compatible avec l’installation d’une usine éolienne en Baie de Saint-Brieuc ? » aux membres de votre Conseil d’Administration, comme aux 200 participants des Rencontres du Réseau des Grands Sites de France.

Jean de La Motte de Broöns, Délégué Départemental de la SPPEF pour les Côtes d’Armor