Nicolas Hulot va-il suspendre le projet éolien en baie de Saint-Brieuc ?

La baie de Saint-Brieuc, des panoramas maritimes époustouflants, un écosystème marin riche et singulier

Cinquième baie au monde pour l’amplitude de ses marées, la baie de Saint-Brieuc est une aire marine remarquable où la géologie a sculpté des panoramas maritimes époustouflants et des fonds marins où se sont développés des habitats naturels complexes faisant de la baie de Saint-Brieuc un haut lieu de biodiversité marine à l’échelle mondiale.

Bancs de maërl, coquilles Saint-Jacques, praires, palourdes, amandes de mer, bulots, homards, araignées, seiches, bars, soles, turbots, Saint-Pierre, barbues, …, plus de 60 espèces sont ainsi vendues sous les halles à marée d’Erquy et de Saint-Quay-Portrieux les plaçant au 3ème rang (sur 40) des halles à marée françaises en valeur marchande. Le gisement naturel de coquilles Saint-Jacques de la baie est la zone la plus productive au niveau national.

Bordé de falaises rocheuses, ce vaste espace maritime abrité du vent est aussi une mer d’accueil privilégiée pour les oiseaux marins et pour des milliers d’oiseaux migrateurs et hivernants, avec quantité de sites d’alimentation en mer. La partie sud de la baie est une réserve naturelle nationale depuis 1998, la plus grande réserve naturelle ornithologique de Bretagne, sa valeur patrimoniale est d’intérêt international. 50 000 oiseaux de 300 espèces différentes fréquentent la baie de Saint-Brieuc en hiver.

Cette richesse naturelle contribue à de multiples services écosystémiques sur le plan environnemental, économique, et social.

Dans cet espace protégé de longue date, entre deux zones Natura 2000 en mer, l’Etat veut implanter une centrale électrique de la taille de a ville de Paris

Natura 2000

Implantation au milieu des zones Natura 2000 en mer (ocre)

Pour une durée de 40 ans, une concession de 103 km2 prise sur le domaine public maritime, a été attribuée au promoteur hispano-anglais Ailes Marines (filiale d’Iberdrola et de RES) qui souhaite y construire une usine éolienne de 500 MW.

A 16 km des caps de Fréhel et d’Erquy, grands sites de France accueillant plus d’1 million de visiteurs chaque année, cette usine sera composée de 62 éoliennes de 216 mètres de haut, (plus hautes que la tour Montparnasse : 209 m), plus une station électrique en mer et une station électrique à terre (Erquy).

Pour implanter cette usine, il faudra :

256 forages en mer jusqu’à 42 mètres de profondeur. Plus de la moitié seront battus, puis forés, puis battus. Il faut 4000 battages (chocs) pour un seul pieu 3D. Chaque fondation repose sur 4 pieux. Ensuite, du béton est injecté dans les forages. Destruction des fonds, bruit, vibrations : des impacts dramatiques sur les fonds marins, les coquillages, les crustacés, les poissons, les mammifères, les oiseaux.

Les sédiments extraits des forages, 70.000 tonnes environ, seront rejetés directement dans la mer créant un nuage turbide qui asphyxiera tout ce qui est vivant.

En phase de fonctionnement :

La station électrique rejettera dans la mer en continu de l’eau à 50 degrés (200.000 litres par heure).

Chaque éolienne portera à sa base une anode sacrificielle de 20 tonnes d’aluminium, ce qui signifie que 160 kg d’aluminium seront largués chaque jour dans la mer, soit 58 400 tonnes par an. Le rejet est supérieur au seuil retenu par l’INERIS. Toute la chaîne alimentaire sera contaminée.

Le maillage de câbles sous-marins sera excessivement dense : 149 kilomètres de câbles électriques dont 50 kilomètres ne seront pas ensouillés. Les risques de croche et de collision pour les marins pêcheurs sont énormes, et d’autant plus dangereux que les ondes électromagnétiques des éoliennes brouillent les radars. L’hélitreuillage est impossible dans une zone éolienne.

Une pollution globale qui n’a rien de renouvelable

Ces 62 éoliennes contiendront 26.660 kilos de terres rares importées de Chine (la radioactivité mesurée dans les villages près de la mine d’extraction de Baotou est 32 fois supérieure à la normale, contre 14 fois à Tchernobyl), 155.000 litres d’huile de synthèse lubrifiante, 4 tonnes d’hexafluorure de souffre (le plus puissant gaz à effet de serre, 22800 fois supérieur à celui du CO2, avec une durée de vie dans l’atmosphère de 3200 ans).

70% environ de leur temps de fonctionnement, ces éoliennes seront couplées à une énergie carbonée (la centrale à gaz importé prévue à Landivisiau ?), puisqu’elles fonctionneront au mieux 30% du temps de façon irrégulière et non pilotable. Ce projet s’il était réalisé, fournirait de manière discontinue en 365 jours, à peine une journée de la consommation électrique française.

En résumé, plantée en plein coeur de la baie, une barrière industrielle polluante de la taille de la ville de Paris, un Paris qui serait bâti uniquement de tours Montparnasse.

X des tours Montparnasse en mouvement, les pales à bandes rouge/blanc/rouge des éoliennes tournent à 288 km/heure, les mâts flashent jour et nuit toutes les secondes,

X des tours Montparnasse assourdissantes, le promoteur annonce un niveau d’émission sonore de 111,7 db(A) par éolienne (= un hélicoptère).

Un projet écocide, destructeur d’emplois, autorisé par le Préfet, refusé par la population locale, dont les impacts ne sont pas maîtrisés, et dont l’extension a déjà été votée en 2016 par le Conseil régional (180 km2 préemptés)

Collectif

Modification des fonds, des courants de marée et des conditions de vent, désensablement des plages

Bruit, vibrations transmises au socle rocheux et au sable qui le recouvre, turbidité permanente dans le sillage des éoliennes, champs électromagnétiques autour des câbles électriques

Augmentation du trafic maritime, pollutions accidentelles, pollution continue à l’aluminium de toute la baie, et au-delà, de l’océan

Disparition de la mégafaune, perte d’habitat de l’avifaune, collision, barotraumatisme pour les chiroptères, barrière aux migrations des oiseaux et des poissons, etc.

Fermeture et perte de zones de pêches et de ressources pour les marins pêcheurs, amas de câbles électriques, d’empilements de roches pour les maintenir en place, qui seront autant d’obstacles sur lesquels s’accrocheront dragues, filets, palangres.

Impact négatif sur toute la chaîne de l’économie locale, d’où un avis défavorable de la majorité de la population

La raréfaction de la ressource halieutique menacerait tous les emplois du littoral en baie de Saint-Brieuc

Avec un littoral de 350 km, les Côtes d’Armor ont une économie basée sur le tourisme et la pêche maritime côtière. Chaque emploi en mer correspond à 3 ou 4 emplois à terre.

Une pêche côtière jeune, dynamique, gérée durablement sans surexploitation de la ressource, dépendant de quotas définis chaque année après évaluation de la biomasse exploitable. 280 navires de pêches sont immatriculés, dont 88% déclarés en petite pêche. Les armateurs sont les patrons de leur navire. 74 % des navires côtiers possèdent une licence coquille Saint-Jacques. (La moitié des Saint-Jacques pêchées en France provient de la baie de Saint-Brieuc.)

A Erquy, le port fait vivre plus du tiers de la population de la commune : les marins mais aussi les employés de la criée, du mareyage et de toutes les filières annexes (mécanique, accastillage, … etc).

A 17 km du port d’Erquy, l’usine électrique sera plantée dans le gisement de bulots et de coquilles Saint-Jacques dit du large, sa pointe sud sera dans le gisement principal, avec un passage des câbles à 225.000 Volts au droit du port. Si la pêche venait à disparaître, que deviendraient les marins pêcheurs, mais aussi le tourisme, le commerce, la restauration ?

Faut-il détruire l’écosystème marin riche et protégé de la baie de Saint-Brieuc au prétexte de transition énergétique ?

L’écosystème de la baie de St-Brieuc a fait vivre des générations de pêcheurs. La pêche artisanale côtière est une activité juste au plan environnemental et social. Qu’est-ce qui justifie la privatisation industrielle de cet espace préservé, protégé, géré ?

Il ne s’agit pas de pourfendre le développement des énergies renouvelables en mer, mais de s’interroger sur le bien fondé d’un projet qui, au dépends de l’économie et des populations locales, impose dans l’indifférence administrative, la privatisation et l’industrialisation de l’espace collectif par un consortium privé international.

Aucune mesure compensatoire ne pourra restaurer l’écosystème de la baie de Saint-Brieuc. Le temps des écosystèmes est infiniment long, celui des destructions singulièrement rapide.

En 2013, notre ministre de l’environnement Nicolas Hulot, avait lui même défendu la baie de Lannion d’un projet industriel : « La Fondation vous demande, Monsieur le Ministre, de ne pas donner suite à cette demande de concession d’un projet nécessairement temporaire, dont seules les conséquences sur l’écosystème marin et littoral comme sur l’économie seront durables, au détriment des richesses produites par une exploitation des ressources vivantes et renouvelables de la mer, par définition pérenne. ».

Le ministre vient de suspendre le projet éolien du Touquet.

Souhaitons que le ministre suspende rapidement le projet d’Ailes Marines en baie de Saint-Brieuc !